Avec Todo el cielo sobre la tierra (el sindrome de Wendy), l'Espagnole Angélica Liddell présente un spectacle triste, exaspéré, parfois long et exaspérant, mais fulgurant et beau comme la mort, la seule réalité dont l'omniprésence permet d'aimer la vie.

Au-delà de tout le désespoir de Liddell - on ne peut dissocier dramaturge, actrice et metteure en scène dans cette performance totale -, subsistent, non pas l'espoir, mais la beauté de la jeunesse, le rire, parfois, et la musique, beaucoup. Oui, l'amour aussi, que la misanthrope artiste savourera - malgré elle? - dans l'ovation finale de spectateurs ayant consenti à son délire psychédélique.

Dans ce voyage de Wendy et Peter sur l'île d'Utoya, celle de 2011 et du massacre de 69 jeunes personnes en Norvège, toutes les femmes sont tour à tour Wendy.

Toutes ces femmes sont des mères ayant peur d'être abandonnées par cet enfant qui a peur de grandir. Deux peurs de la solitude qui s'additionnent et se multiplient à l'infini dans ce voyage au bout de la nuit.

Wendy-Angelica quittera l'île pour Shanghai où sept valses seront dansées par un couple de vieillards chinois, d'un kitsch et d'une simplicité désarmants. Leur routine sans cesse reprise ne saurait toutefois apporter une réponse satisfaisante aux questions que se pose Angélica Liddell sur l'horreur et la douleur.

Ainsi, l'Espagnole assurera seule le troisième acte de la pièce. Pendant une bonne heure, hallucinée, possédée, hystérique, elle vomira sa haine des mères et de leur pseudo-dignité. Elle se rira des bons sentiments, des biens pensants et des bienheureux.

Sautillant, dansant, mimant les gestes exacerbés du flamenco, elle crie et chante ses doutes et sa méfiance sur l'air de la chanson The House of the Rising Sun.

Elle se masturbe même quand l'horreur s'agite devant ses yeux. Elle se flagelle du peu d'amour dont elle est capable. Longuement, volontairement répétitive et souffrante, telle une humoriste remontée des enfers, un antéchrist portant en croix nos douleurs, nos culpabilités, nos lâchetés inavouables et nos mensonges cachés.

Angélica Liddell fait penser à la phrase célèbre de Péloquin: «Vous êtes pas écoeurés de mourir bande de caves? C'est assez!» ou au complexe d'Oedipe crié par Jim Morrison dans sa chanson The End.

Cette artiste radicale se dit monstrueuse, mais on refuse de la croire parce que sa seule faute est de dire tout haut ce que, à un moment ou à un autre, on a pensé tout bas.

Douloureuse et nécessaire.

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Todo el cielo sobre la tierra (el sindrome de Wendy) est présentée dans le cadre du FTA ce soir au Monument-National à 19 h 30 et 21 h.