Chaque printemps, le Festival TransAmériques (FTA) propose un tour du jardin de la création scénique contemporaine. Cette année, durant 17 jours, du 22 mai au 7 juin, le FTA mettra à l'affiche 27 oeuvres porteuses de voix fortes et singulières. Portraits de six défricheurs québécois de l'édition X2014, la dernière de Marie-Hélène Falcon qui a tenu à bout de bras ce festival de théâtre et de danse pendant 30 ans.

> Marie Brassard

> Benoît Lachambre

> Daniel Brière et Alexis Martin

> Catherine Gaudet

Mani Soleymanlou: réfléchir ensemble

En l'espace de deux courtes pièces, Mani Soleymanlou a transformé une démarche «personnelle» en un projet collectif... devenu plus grand que son créateur. Avec Trois, il souhaite conclure son questionnement identitaire et culturel pour se fondre dans la masse. Quarante-trois fois plutôt qu'une.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les chiffres portent chance à Mani Soleymanlou. Après avoir créé Un, en 2012, qu'il a présentée plus de 100 fois de Paris à Yellowknife, en passant par Londres et Saskatoon, l'acteur a mis en scène Deux, dans laquelle il a joué avec Emmanuel Schwartz. Et maintenant, il revient avec Trois, pièce pour 

43 interprètes réunis sur scène et représentant la mosaïque culturelle québécoise. Ce spectacle s'annonce comme un des moments forts du Festival TransAmériques. Il ouvrira aussi la prochaine saison du Théâtre d'Aujourd'hui, dès le 30 septembre.

Au départ, ce projet est «un magnifique accident de parcours», rappelle Mani Soleymanlou. En 2010, l'acteur d'origine iranienne a présenté un solo, «sans l'intention d'en faire une pièce», dans le cadre des Lundis découvertes, au Quat'Sous. Il y abordait sa propre quête identitaire et culturelle. Fils d'immigrés iraniens, il a vécu en France puis dans trois villes au Canada, avant de s'installer à Montréal et d'étudier à l'École nationale de théâtre pour faire carrière comme comédien.

Au fil des ans, il s'est bien intégré au milieu du théâtre québécois, travaillant avec des metteurs en scène comme Claude Poissant, Alice Ronfard et Frédéric Bélanger. Il est aussi le conjoint d'une actrice québécoise (Sophie Cadieux) et le fondateur de la compagnie Orange noyée, avec laquelle il a produit Un, avec l'aide du Théâtre La Chapelle et des Écuries, où Mani a été artiste en résidence.

Réflexion collective

Tout le monde l'a encouragé à poursuivre sa démarche. «C'est devenu un objet d'une richesse infinie qui dépasse largement son créateur, le théâtre, l'actualité ou la politique», explique Mani Soleymanlou, qui souhaite clore avec Trois ce projet théâtral unique.

Et c'est bien parti! «En salle de répétition, il se passe quelque chose qui dépasse le théâtre. On est une quarantaine d'interprètes à se questionner sur l'identité, le peuple, le pays, la religion, la politique, etc. C'est très riche humainement. Et c'est la preuve que le théâtre peut ouvrir de vastes horizons et créer une communion pour nous permettre de réfléchir ensemble.»

«Réfléchir ensemble» pourraient être les mots-clés de Trois. L'auteur et metteur en scène désire aller plus loin dans la théâtralité, faire fondre Mani dans la masse des individus et des histoires.

Si le sujet est plus grand que lui, il en est tout de même l'instigateur, non? «J'avais pressenti un certain malaise identitaire et culturel en écrivant Un, répond Mani. Mais je n'avais jamais pensé que ça irait plus loin que mon histoire, mon statut d'immigrant. Puis, tout a déboulé avec le projet de charte des valeurs québécoises.»

Or, ça ne se limite pas au Québec. Son premier solo a eu des répercussions partout où il a été présenté «Mani, Téhéran, l'Iran sont devenus des prétextes, dit le créateur. Je réalise que ça touche tout le monde. Il y a une quête identitaire globalisée. Plus il y a de mélange, plus on sent le besoin de se nommer et de se définir face à l'autre.»

Peut-être pour se sentir moins seul au monde.

Auteur et metteur en scène, Trois

(incluant Un et Deux), au Théâtre d'Aujourd'hui, du 2 au 4 juin.

Comédien, Phèdre, à la Cinquième Salle

de la Place des Arts,

du 26 au 28 mai.