Shakespeare serait fier de voir sa pièce chaque jour réinventée depuis 400 ans! Au théâtre comme à l'opéra, on ne cesse de la revisiter. La metteure en scène Irina Brook avait été jusqu'à transposer l'action de La Tempête dans une pizzéria! C'est pour vous dire. Les Italiens de Motus, eux, ont choisi d'ouvrir Nella Tempesta sur l'air de Riders on the Storm des Doors et de camper l'histoire dans un théâtre.

Sauf que les créateurs Enrico Casagrande et Daniela Nicolo n'entrent pas dans les détails du récit de Shakespeare. Ils se sont concentrés sur les esprits d'Ariel et de Caliban, au service du personnage de Prospero, seul sur son île après avoir été forcé à l'exil par son frère. Dans la pièce, on a donné corps à ces esprits, mais les dialogues, aussi brillants soient-ils, ont aussi quelque chose d'abstrait et d'insaisissable.

Il est rapidement établi que nous sommes en présence d'une troupe qui cherche à adapter La Tempête. Certaines scènes sont carrément des discussions sur tel personnage de la pièce ou sur telle importance à lui accorder. Des caméras captent aussi des scènes à l'extérieur du théâtre et retransmettent des séances de remue-méninges des acteurs dans leurs loges. Bref, c'est du théâtre dans le théâtre.

La tempête est ici une invitation à bousculer l'ordre établi. «Il faut qu'il y ait une secousse pour enfin faire bouger les choses!» dit une voix. À s'unir collectivement pour retrouver nos utopies. Pour résister au passage de cette économie de marché qui écrase tout sur son passage. Un thème dominant des pièces présentées au FTA cette année et qui fait écho à la crise économique et sociale que vivent de nombreux pays européens.

La scène est l'île de ces artistes. L'acte de création y est présenté comme un acte de résistance pour ne pas se perdre dans cette maudite tempête. Pour combattre la morosité, le cynisme, la peur, le désespoir. Décidément, cette troupe a quelque chose de notre Action terroriste socialement acceptable (ATSA) menée par Annie Roy et Pierre Allard, dont les performances sont des appels à l'action.

Les créateurs ont aussi voulu nous inclure, le public, dans ce naufrage et dans notre sauvetage collectif. Dans la protection aussi de nos rapports humains, tellement individuels. D'où les couvertures qu'on nous demande d'amener et qui servent la scénographie de Nella Tempesta. À la fin, la troupe nous invite à lui indiquer des lieux mornes de la ville d'où pourraient avoir lieu des actions ou des manifestations artistiques.

La démarche de Motus est extrêmement intéressante. Il reste que cette nouvelle création que les Italiens ont choisi de monter ici pour la première fois, ne nous paraît pas aussi aboutie que leur pièce Alexis. Una tragedia greca, présentée ici l'an dernier. Nella Tempesta réussit à nous intriguer et même à nous donner de l'espoir, mais la pièce est aussi traversée de temps morts et de flottements qui nous font parfois décrocher.

On a l'impression d'avoir été témoins d'un chantier, prometteur, mais inachevé.

À la Cinquième Salle de la PdA jusqu'au 27 mai.