Un émouvant choc au plexus. Il n'y a pas d'autres mots pour parler de l'impact du spectacle Alexis (Una Tragedia Greca) présenté au festival TransAmériques l'an dernier. La compagnie italienne Motus est de retour au pays pour créer Nella Tempesta, d'après Shakespeare, où il est question de pouvoir et de zones de liberté.

Montréal était secoué par des manifestations quotidiennes lorsque la compagnie Motus a présenté Alexis (Una Tragedia Greca) au FTA l'an dernier. Dire que cette pièce, qui faisait écho aux mouvements d'indignation survenus depuis la crise de 2008, a touché la cible est un euphémisme: théâtre et réalité se rencontrent rarement de manière aussi organique.

Enrico Casagrande et Daniela Nicolo, âmes dirigeantes de Motus, l'ont senti. Et constaté: soir après soir, lorsque les comédiens invitaient le public à descendre sur scène pour lancer des cailloux virtuels dans une simulation d'émeute, les spectateurs ne se faisaient pas prier. «Montréal est la ville où il y a eu le plus de monde sur le plateau», estime Enrico Casagrande.

Le calme est revenu dans les rues de Montréal. Motus aussi. Les artistes italiens ont atterri il y a une dizaine de jours pour peaufiner leur nouvelle création, Nella Tempesta, présentée en première mondiale dès aujourd'hui à la Cinquième salle de la Place des Arts. Une fois de plus, c'est le théâtre d'avant-hier qui est invité à éclairer le présent: Prospero, Ariel, Caliban et les contours de La Tempête de Shakespeare.

Daniela Nicolo précise d'emblée que la part «documentaire» est plus mince ici que dans les créations précédentes de la compagnie. L'objectif est toutefois le même, c'est-à-dire «faire un spectacle vivant, qui s'inspire des tensions qui existent dans cette ville» et qui ont une portée universelle. «On travaille sur les relations de pouvoir, la surveillance, la liberté, détaille-t-elle. C'est plus subtil.»

Zone de liberté

Enrico Casagrande précise que c'est la figure de Prospero qui les a d'abord intéressés. Noble déchu et mage, il incarne l'autorité suprême sur cette île où il a échoué. Prospero ne sera pourtant pas incarné sur scène. Le point d'ancrage de Nella Tempesta est plutôt Ariel, l'esprit qui fait souffler la tempête sous les ordres de Prospero, mais revendique aussi sa liberté.

De nombreuses questions se bousculaient dans les têtes des deux metteurs en scène en début de semaine. Nella Tempesta doit embrasser plusieurs couches de sens qu'ils s'affairaient encore à éclairer. Une interrogation les titillait particulièrement: comment imaginer un contre-pouvoir sans mettre en place les mêmes mécanismes de gestion du pouvoir?

Enrico Casagrande précise que ce spectacle ne se veut pas aussi «catastrophiste» que celui inspiré d'Antigone présenté l'an dernier. «Il y a ce désir de présenter des possibilités différentes, différentes sorties de tempête», dit-il. Le détail n'est pas banal puisqu'il sous-tend une question, cruciale, soulignée par Daniela Nicolo: et s'il était plus facile d'être dans la tempête que de gérer la liberté gagnée?

Motus, qui cherche toujours à tisser un lien avec l'auditoire devant lui, a choisi d'utiliser des couvertures comme seuls accessoires. Parce que c'est ce qu'on met sur les épaules des sinistrés pour les réconforter et parce qu'elles symbolisent ce refuge où l'on rêve. Les Italiens souhaitent que les spectateurs apportent les leurs et les offrent au spectacle (elles seront ensuite remises à un organisme de charité).

Par ces gestes et les questions que ses spectacles soulèvent, Motus cherche à amorcer un dialogue dans et hors du théâtre. «Chaque fois qu'on va quelque part, il y a cette envie de sortir du théâtre et d'arriver dans la rue pour y amener de petites tempêtes, dit Enrico Casagrande. Le théâtre ne suffit pas pour ce que nous cherchons à développer.»

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Du 24 au 27 mai, à la Cinquième salle de la PDA. Horaire variable.