Présenté au FTA, Aaléef, du Marocain Taoufiq Izeddiou, est un objet saugrenu. Fin, mais parfois mal dégrossi à la hache. C'est le périple d'un homme en perte de repères.

Izeddiou, qui dans Aaléef est le plus souvent seul en piste, a le sens de l'image. Avec peu de moyens, trois rangées de projecteurs au raz de la scène et quelques accessoires, il joue de la pénombre, du contre-jour et de son corps de danseur atypique, et pas particulièrement leste, pour évoquer la guerre, la révolte, la communion.

Juché sur deux haut-parleurs qui crachent des coups de feu et la cacophonie de la rue, le corps d'Izeddiou semble n'être actionné que par la tourmente qui grandit sous ses pieds. Sa rage le propulse vers l'avant. Mais quelque chose le maintient dans une sorte de valse hésitation, en tracés d'avant vers l'arrière, un sillon creusé tout au long d'Aaléef.

Rejoint sur scène par le musicien Adil Amini, Izeddiou synchronisera ses pas sur celui du joueur de goumbri. Le danseur s'apaise... La plante de leurs pieds bat la mesure. Des mesures simples, répétées en boucle. Puis, la rage, d'aucuns diront la liberté salvatrice conquise à l'arraché, reprend le dessus : le goumbri crache des riffs de Jimi Hendrix, à la fin de cette marche qui se fait bellement à contre-jour : on dirait du théâtre d'ombre!

Aaléef est parfois maladroit et Izeddiou n'est pas le meilleur des danseurs. Mais entre Hendrix, The Tigers Lillies et Shirley Bassey, le jeune co-fondateur de la première compagnie de danse contemporaine du Maroc s'éclate en une fin trash et travestie qui détonne du reste du solo et qui témoigne du parcours et l'audace de cet artiste frondeur.

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Aaléef de et avec Taoufiq Izeddiou. Les 5 et 6 juin au Théâtre Prospero. Info: www.fta.qc.ca