Sous la peau, la nuit nous plonge d'emblée dans la pénombre bleutée d'une boîte de nuit, ou plutôt d'un dancing d'après-guerre: de multiples références dans les costumes, certaines musiques ou le chignon roulé sur le front d'une des danseuses donnent une signature de la fin des années 40, sans cependant trop insister.

Dans cet antre tamisé, où flottent des fumigènes iridescents, entrent en scène trois danseuses (Karina Champoux, Paige Culley et Anne Thériault), ultra-fines, avenantes dans leurs vêtements chatoyants (jupes fendues, pantalons souples et mouvants, talons aiguilles qui galbent la cheville et appuient la démarche).

Ce déhanchement twisté, cette sensualité irradiante, cette démarche théâtralisée, ces claquements de doigts signent la nouvelle création de Danièle Desnoyers, qui retrouve ici un univers dans lequel le féminin, l'allégresse, la sensibilité, l'émotivité, parfois la drôlerie joueuse du féminin, demeurent le pivot. Tout autant que la lumière bleu nuit, compacte, esthétique signée Mikko Hynninen. Tout autant que l'obsédant univers musical signé Nicolas Bernier, tissé de percussions pulsées comme des battements de coeur dans la nuit, et de chansons mélancoliques traversées de quelques notes de piano presque tristes.

Dans cet univers à couleur féminine, les trois danseurs (Tal Adler, Bernard Martin et Pierre-Marc Ouellette), magnifiques spécimens du masculin, accompagnent et magnifient leurs partenaires. Quelques solos puissants, mais surtout des duos dans une délicieuse complexité de fusions, flux, détours, attractions et répulsions, toute la panoplie des dragues d'un soir, fragments de l'éternel dialogue du désir et de la solitude.

Inexorable dialogue que nous reconnaissons tous. La nuit, tous les humains sont bleus, tentent des rapprochements, puis s'en retournent à leur solitude.

Le défaut, c'est que le tout est répétitif, les gestuelles, les idées trouvées peu nombreuses reprises en boucle, sans grande utilisation de l'espace scénique; même une heure, alors, ça paraît long. C'est agréable et léger, mais le tout s'évapore aussitôt, avec les brumes de l'aurore.

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Sous la peau, la nuit. Danièle Desnoyers, jusqu'à aujourd'hui, 20h, à l'Usine C.