Rarement, une pièce de théâtre étrangère n'aura été aussi proche de l'actualité d'ici. Après Too Late! Antigone, la compagnie italienne Motus présente (encore pour deux soirs) au Festival TransAmériques Alexis. Una tragedia greca. Inspirée à la fois de l'Antigone de Sophocle et de Brecht, la prémisse de la pièce est un fait divers: la mort d'un manifestant âgé de 15 ans lors des émeutes qui ont marqué la Grèce en 2008. Mais elle fait aussi écho au mouvement des indignés de Wall Street, à la crise financière en Europe, au conflit des étudiants québécois. Bref, des enjeux sociopolitiques qui secouent l'Occident.

«L'homme assoiffé de pouvoir boit de l'eau salée», dit Antigone au roi Créon. La révolte d'Antigone face à l'autorité symbolise toutes les rébellions: passées, actuelle ou à venir. «À votre avis, à quoi ressemblerait Antigone aujourd'hui?», se demandent les protagonistes durant le spectacle. Celle de Motus est rebelle et androgyne, athlétique et anarchiste, sensible et indignée. Elle ressemble à bien des jeunes qui manifestent ce printemps dans les rues de Montréal.

Voilà pour le fond. Or, la forme d'Alexis est tout aussi prenante. La dramaturge Daniela Nicolò et le metteur en scène Enrico Casagrande utilisent la vidéo, l'installation, la musique et la danse, des images de l'actualité pour créer un spectacle inventif et incisif. Ironiquement, alors qu'on assiste à une démonstration de la force du théâtre pour représenter les maux de la Cité, les comédiens estiment que «l'art ne suffit pas» pour dénoncer l'état du monde et changer le cours des choses... Certes, Antigone a beau pleurer le sort réservé à son frère Polynice depuis 2500 ans, il restera toujours des martyrs de la patrie et des despotes au pouvoir. Alors, la troupe se pose la question: quoi faire? Et leur réponse: agir.

Ce spectacle coup-de-poing est notre coup de coeur du FTA. À la fin, lorsque la comédienne Silvia Calderoni (qui incarne avec fougue et passion Antigone) invite des spectateurs à monter sur la scène, elle illustre sous nos yeux comment l'individu seul et isolé devient beau et puissant parmi une collectivité. Ce peuple debout sous les projecteurs évoque le théâtre de la rue avec ses citoyens indignés. Mais aussi, la beauté et la puissance de l'art.

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Alexis. Une tragédie grecque, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, aujourd'hui et demain à 19h.