Pour sa toute première incursion en Amérique du Nord, Taoufiq Izeddiou présente à partir de ce soir dans le cadre du Festival TransAmériques Aaleef, un autoportrait marquant chez l'artiste marocain un véritable retour aux sources.

Danseur, chorégraphe et fondateur du festival de danse de Marrakech On Marche, Taoufiq Izeddiou se bat comme nul autre pour donner à la danse une place sur la scène artistique marocaine.

Avec Aaleef (première lettre de l'alphabet arabe, de la même racine que «Aalifou» qui signifie «je tourne») , le chorégraphe a créé un solo remettant en question son interprétation de la danse, sa vision de la vie et exprimant les idéaux qu'il désire défendre avec la rage des corps trop longtemps tenus au silence.

«Je suis arrivé dans une phase où je dois défendre ma danse moi-même. En même temps, ma création coïncidait avec les révolutions arabes et du coup ça a pris un sens et une ampleur beaucoup plus importants. Il y a cette rage dans la pièce, avec au début cette transe entre deux enceintes où on entend des avions passer et des bombes», explique le chorégraphe.

Une performance en trois parties qui s'amorce alors que l'interprète est à contre-jour, dos à une triple rampe de projecteurs braqués vers l'arrière-scène.

«Je suis seul dans un couloir de qui fait face à soi-même, à la vie et au monde. Je parle de mon enfance, de la transe, de mon énergie, d'avancer puis de chuter», explique-t-il.

Puis c'est au rapport à l'apprentissage, au père et à la tradition que Taoufiq Izzediou s'attaque, questionnant la relation entre tradition et modernité, accompagné par le musicien gnawa Maâlem Adil Amimi.

«Le gnawa est une musique des esclaves menés par les chérifiens marocains il y a six siècles. Les Maâlem (maîtres) jouent d'un instrument musical qui s'appelle le gambri, fait de cordes d'intestins de chèvres, de la peau de la nuque du cheval et du bois de l'acajou. Je le suis et j'essaye de faire ce qu'il fait, c'est une sorte de rapport à l'apprentissage», précise le danseur.

Alors que dans la troisième partie de la pièce Taoufiq Izzediou passe devant les projecteurs, habillé en femme, le gambri se transforme en une guitare électrique.

«Ma danse devient folle, puis sage, et enfin maîtrisée. De l'autre côté, c'est un peu la féminité et la masculinité qui nous construisent tous. On est dans l'exposition, dans le regardez-moi. Je fixe le soleil avec la fougue de ceux qui n'ont plus rien à perdre», lance le danseur et chorégraphe qui travaille actuellement sur Rev'illusion, une création pour cinq danseurs prévue pour 2013 et librement inspirée du Printemps arabe.

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Aaleef, 4 au 6 juin au théâtre Prospero.