Comme souvent chez Anne-Teresa de Keersmaeker (que l'on est tellement contents de retrouver à Montréal!), ça commence par la musique. La musique pour s'inspirer et la musique pour amorcer la pièce, en l'occurrence ici par le long atone d'une flûte à bec dont la stridence irrite autant qu'elle hypnotise. Sous la lumière crue et blafarde d'une seule rampe de néons blancs, c'est une invitation à changer d'espace-temps.

Dès lors commence une double partition pour un double mouvement musical et dansé. À droite trois musiciens, assis sur un banc; à gauche huit danseurs, trois femmes et cinq hommes qui par leurs pas mesurés, leur gestuelle d'une extrême sophistication qui répond à celle de la musique, tracent des lignes de gauche à droite et retour, droites comme des portées. Seul, ou à deux, trois, en des unissons décomposés, recomposés qui soudain s'interpénètrent, toujours en résonance, harmonique ou pas, mais jamais illustrative, avec la musique, ou parfois, avec le silence.

Chant religieux

Par cette interpénétration des partitions musicales et chorégraphiques, par l'épure ample des mouvements, par celle des costumes, sobres et droits, les robes des filles au genoux et leur fines espadrilles blanches, En atendant permet de retrouver une signature typique de Keersmaeker. Première pièce du dyptique de la chorégraphe flamande présenté dans le cadre du FTA, inspirée par l'ars subtilior, chant religieux polyphonique du XIVe siècle, elle offre une ballade, mélancolique, poignante, pour le corps et l'âme. C'est une superbe pièce construite de strates à la fois distinctes et complices. Une 1h30 de plaisir hypnotique, dont la subtile énergie aiguise tous les sens du spectateur, au gré des volutes entrelacés de la joueuse de vielle, des joueurs de flûte et de basson, et, sublime, de la voix si pure de la chanteuse, qui partagent la scène avec les huit interprètes. Le tout est d'une grâce poignante. D'une ferveur qui n'a pas besoin d'être religieuse pour être incandescente.

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En atendant, d'Anne-Teresa de Keersmaeker, ce soir 20h à l'Usine C. La chorégraphe flamande Anne Teresa présente aussi Cesena les 1er et 2 juin au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Prix des billets: 40$ à 65$.