Traverser la scène, de jardin à cour, en tourbillonnant, en roulant, en marchant, en courant... Sans cesse, en un flot continu. Une heure durant. C'est ce que propose, avec une redoutable efficacité, la compagnie suisse Alias dans Sideways Rain, présenté en ouverture du FTA.

Le chorégraphe Guilherme Botelho prend cette idée de traversée, en apparence toute simple, et il la pousse jusqu'à son sommet. Loin de ne s'en tenir qu'à une proposition formelle, le chorégraphe orchestre ici un spectacle qui n'est qu'humanité.

Le flot est d'abord constitué d'interprètes accroupis à quatre pattes. Habits de ville. Tous différents. On a clairement affaire à des individus. De quatre pattes, on passe à des glissements, puis à des roulades en boule, semblables au premier être vivant qui s'est extirpé de la vase originelle. Tout cela à l'unisson d'abord.

La coulée est plus ou moins rapide et dense selon les moments. Cependant, la constance du mouvement d'ensemble est telle qu'elle donne le vertige, comme lorsqu'on regarde passer les nuages ou des rapides. On croirait les interprètes, déjà en mouvement lorsqu'ils sortent des coulisses, placés sur un tapis roulant!

D'emblée, on pense migration, troupeau, collectivité... Ici et là, des dissidents qui en entraînent d'autres et qui ainsi changent le cours de la progression en constante mutation. Et on s'étonne, avec délice que chaque variation opérée ainsi par Botelho dans ce faux unisson - un ajout de geste, un changement de direction, d'axe ou de rythme, la transformation fluide d'un mouvement à un autre - soit hautement signifiante.

Par deux fois, la dissidence est totale: un individu prend tout à coup conscience de lui-même, des autres, de son environnement et de son pouvoir avant regagner le flot collectif, volontairement ou non. Ces courts instants sont infiniment poignants. Tout comme l'ensemble de Sideways Rain.

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Sideways Rain au Théâtre Jean-Duceppe, jusqu'à ce soir. Info: www.fta.qc.ca/fr