Deuxième visite en autant d'années pour la troupe mexicaine Lagartijas Tiradas Al Sol. Après la chronique d'une peine d'amour au temps de la H1N1 (Catalina) et une enquête sur la disparition de l'eau sur le territoire de la ville de Mexico (Asalto Al Agua Transparente), le théâtre documentaire de Luisa Pardo et Gabino Rodriguez s'intéresse à la révolution avortée lancée dans les années 1960 et réprimée dans la violence - torture, viols, massacres. Une histoire terrible... relayée sur le ton d'un exposé universitaire.

El Rumor del Incendio trouve sa source dans le désir des créateurs de retracer le parcours des jeunes révolutionnaires qui, prenant au mot la constitution mexicaine, ont voulu changer leur pays. La mère de Luisa Pardo en était. De l'agitation initiale au massacre de Tlatelolco, survenu peu avant l'ouverture des Jeux olympiques de 1968, jusqu'à l'effondrement de la guérilla au tournant des années 1980, la pièce raconte avec force détails une histoire pleine de rafales de mitraillettes, d'enlèvements, de meurtres, de disparitions et autres abus de toutes sortes.

Gabino Rodriguez et Luisa Pardo (rejoints sur scène par Francisco Barreiro) ont visiblement effectué une recherche poussée, qu'ils étalent en reproduisant sur un écran quantité de photos d'archives, de coupures de journaux et documents officiels ou personnels. Y en a-t-il dans le lot qui contiennent de vraies révélations? Impossible d'en juger étant donné la connaissance toute relative qu'on peut avoir de ces événements. Or, ce que l'on constate vite, c'est que cette masse d'information est livrée dans une orgie de dates, de lieux, d'acronymes et de noms qui finit par avoir raison de notre indignation et même de notre compassion.

Il y a bien sûr quelques moments où les acteurs quittent leur ton professoral. Une scène de simulation de noyade particulièrement révoltante et des reconstitutions de combats relatées à l'aide de figurines manipulées et filmées par les comédiens. Mais les quelques bonnes idées de la mise en scène ne rachètent pas les tirades informatives et ces lectures mécaniques de lettres personnelles qui auraient pu s'avérer touchantes. Émotion et pensée ne sont pas des antagonismes: en appeler aux affects peut permettre d'entrer dans l'intellect par la grande porte comme en a déjà fait la preuve la compagnie de théâtre documentaire montréalaise Porte-parole.

El Rumor del Incendio, malgré l'intérêt et l'importance de son sujet, fait naufrage en raison de cette approche presque totalement désincarnée. La déception aussi suscitée par Asalto Al Agua Transparente l'an dernier incite finalement à se questionner au sujet de l'attention que le Festival TransAmérique accorde à la jeune troupe mexicaine depuis deux ans...

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Jusqu'à jeudi chez Prospero.