Le grand Israël Galván est de retour dans le cadre du FTA qui nous l'avait fait découvrir en 2007. Un spectacle grandiose comme une épopée, ou un mythe, en quatre parties distinctes qui chacune décline un aspect de son effroi de la mort en général et d'un monde en perdition en particulier. Galván danse comme on défie le ciel pour exorciser ses démons et peut-être, à force de coups de talons, de sauts et de postures altières, battre la mort sur son terrain, et renaître. Flamenco, danse de vie, de mort et de renaissance.

Probablement que jamais personne n'avait comme lui porté le flamenco au sublime, en lui étant dévoué, totalement fidèle par total irrespect, personne comme lui ne s'était servi du langage à la fois puriste et iconoclaste du flamenco pour dire autant de choses. Oser une vision qui s'imprègne chez le spectateur, hypnotisé sinon tétanisé, au rythme affolant de sa gestuelle précise, habitée, fulgurante comme des rifs de mitraillette.  C'est un rituel auquel il nous convie entouré de ses chanteurs, musiciens, accessoiristes. El final de este estado de cosas, redux est un spectacle complet, à grand déploiement. En Europe on considère que le flamenco est le genre qui connaît actuellement la plus grande révolution contemporaine. Galván en fait une la démonstration.

Inspiré par la lecture de la Bible qui a nourri son enfance tout autant que le flamenco commencé dès l'âge de quatre ans, il puise dans l'Apocaplyse selon Saint-Jean un archétype qui lui permet de lier d'autres visions apocalyptiques, venues de traditions autres qu'espagnoles: celle du bhûto japonais né des cendres d'Hiroshima; celle de la tarentelle italienne qui, en faisant suer, évacue le poison de la tarentule; celle du heavy metal lié aux chants populaires espagnols, les seguiyiras, tragiques plaintes gutturales chantées par les femmes. L'ampleur de la partie musicale n'est pas en reste sur la danse.

Et puis il y a la vision de la guerre au Liban, grâce à une vidéo que lui a envoyé une amie et danseuse de flamenco libanaise qui en 2005 a eu l'idée de danser les pas appris auprès de Galván sur la «musique» assourdissante des bombardements israëliens. Il nous montre le vidéo et à son tour sur scène danse sur une plateforme instable d'os la poussière s'échappe comme de ruines encore fumantes.

Beaucoup de moments inattendus, très élaborés, une scénographie très sophistiquée, millimétrée, inventive. Lui qui pourrait nettement se contenter de danser va bien plus loin. Jusqu'à finir par danser littéralement dans un cercueil de bois, une caisse de résonance pour interpeller l'infini ou pour signer la fin de tout cet état de choses, comme dit le titre. Bien sûr on peut dire que c'est parfois trop. Trop puissant, trop sombre, trop grandiloquent, trop bruyant, mais est-ce qu'on mégote avec la mort? Galván en tout cas signe une soirée à sa singulière démesure.

El final de este estado de cosas, redux. Israël Galván. Ce soir, 20h, au Théâtre Maisonneuve. www.fta.qc.ca