Artiste d'éclat et d'extravagance, femme de tous les paroxysmes, indomptable fauve de la scène et du studio, Catherine Ringer botte et fait remuer les popotins depuis bientôt quatre décennies. Qui, toutes ces années durant, aurait imaginé l'ex-figure de proue des Rita Mitsouko devenir... sexagénaire?

La principale intéressée, elle, le visualise très bien! La vie post-Mitsouko se poursuit bellement, la chanteuse française prévoit nous en faire l'éloquente démonstration.

«Sénior? J'adore!», dixit la chanson space rock, première au programme de son plus récent opus. Tenons-nous-le pour dit!

On se souviendra néanmoins que la mort de Fred Chichin (d'un cancer foudroyant) en novembre 2007 avait été une perte immense pour sa compagne, et mère de leurs trois enfants. Catherine Ringer avait beaucoup souffert avant de se reprendre en main et de se relancer dans la profession: album solo Ring & Roll en 2011, interprète du projet tango Plaza Francia en 2014, album solo Chroniques et fantaisies en 2017, et l'on ne compte pas les tournées.

«Lorsque je suis sur scène, dit-elle, je vois beaucoup de gens heureux. Je vois leurs yeux qui brillent! Ils ont l'air touchés, il me demandent de continuer. Je me sens donc encore utile et j'essaie de continuer de l'être en faisant ce que je fais depuis longtemps, mais aussi en prenant les risques qui me semblent indispensables pour avancer. Il faut rester vivant, éveillé, ne pas s'encroûter... Écouter des choses nouvelles comme de la techno, même si je n'en fais pas personnellement.»

Évoluer jusqu'au bout de la route, pense-t-elle néanmoins, exige un certain discernement.

«Il me faut être juste dans ma manière d'être. Par exemple, je dois m'adapter à ce que je peux faire maintenant sur scène, il me faut savoir bouger et chanter différemment. Je pense avoir fait des progrès en chant, mais je ne fais plus les mêmes acrobaties en spectacle. C'est moins athlétique, plus concentré.» 

Qu'on ne s'y méprenne pas, l'énergie de Catherine Ringer reste débordante, mais plus sage, différemment canalisée. «C'est moins tonitruant. Sur scène, on fait en sorte que l'auditeur puisse mieux écouter plutôt que subir un son très fort. On ne balance plus ces basses qui font vibrer le corps jusqu'aux entrailles, ou encore ces accords de guitares qui érigent des murs de décibels. On essaie d'évoluer vers un son plus précis et moins violent dans le volume.»

Styles variés

Et en studio? Comment a-t-elle abordé Chroniques et fantaisies? «Les styles y sont variés. Como Va est latino-rock, d'autres chansons s'inspirent de mes racines européennes, je pense à Leur amour ou Sourire d'automne... On passe ainsi d'un univers à l'autre, comme j'ai toujours aimé le faire avec les Mitsouko. Or, cet album-là est de facture assez classique par rapport à ce que j'ai fait avant.»

Les thèmes abordés y sont généralement privés, mais elle traite aussi de sujets plus vastes, tient-elle à souligner.

«Obstination décrit le dilemme entre partir ou rester dans un pays traversant une situation difficile. Sur Sénior, je réfléchis sur le fait d'avancer en âge, évoluer, se connaître soi-même... C'est un thème universel, et non la petite histoire d'une personne en particulier.» 

Pour ses deux albums solos lancés depuis 2011, Catherine Ringer a été la compositrice principale... et regrette encore les rapports créatifs très inspirés avec son défunt compagnon.

«Je crée des musiques plus simples que ce que je pouvais accomplir avec Fred, pense-t-elle. Même si j'étais à la base de riffs, de suites d'accords ou de mélodies, il amenait énormément à la musique des Mitsouko. Ce que je fais aujourd'hui n'a pas cette teneur car je n'ai plus cet échange musical qui nous menait vers des univers plus grands, plus complexes. Nous avions aussi eu raison de travailler avec des réalisateurs étrangers, authentiques joailliers du son. Tony Visconti, pour citer cet exemple, fut pour nous un artisan merveilleux du son et de l'arrangement; il pouvait nous mener plus loin que ce que nous étions capables de faire.»

Banquet

La simplicité actuelle ne serait donc pas complètement volontaire, quoique satisfaisante en fin de compte. «Quand c'est moi qui travaille toute seule, ou même lorsque mon collègue Azzedine Djelil propose des arrangements, des rythmiques et autres compléments de réalisation, ça reste moins large, mais... c'est peut-être davantage au service de ma voix. À l'avenir, d'ailleurs, peut-être ne referai-je pas les choses seule. Je pense à plusieurs collaborateurs, mais j'attends que ça se fasse avant d'en parler. Cela dit, j'y suis quand même arrivée! Le public n'a pas l'air de s'ennuyer, mon travail a été utile à quelque chose.»

Chroniques et fantaisies, prévoit-elle en outre, ne sera pas le seul plat servi au banquet montréalais des Francos. «Ce sera un mélange d'ancien et de nouveau. Nous ferons cinq ou six chansons de cet album, une ou deux de Ring & Roll, une reprise de bande originale et il y aura aussi des titres des Rita Mitsouko. Ce sont quand même mes chansons et ma vie. Même si Fred est mort et que notre groupe n'existe plus, même si nous sommes à une autre époque, ça me fait plaisir de les chanter.»

La pérennité d'une chanson, conclut l'irrésistible sexagénaire, dépasse celle de celui ou celle qui l'a conçue: «Lorsqu'elle est inscrite sur partition, une bande magnétique ou un support numérique, une chanson vit à partir du moment où quelqu'un l'écoute.»

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Au Théâtre Maisonneuve, ce soir, 20 h. Première partie: Fanny Bloom.

Photo Laura Lago, fournie par les Francofolies

Catherine Ringer