Poétiquement à tout le moins, l'inconscient de l'interprète l'exprime: «Grandir, c'est décevoir un peu. Il faut s'appliquer si l'on veut rater sa vie», peut-on lire ou écouter dans la chanson Comme si j'y croyais, très beau texte de La Maison Tellier que chante Pomme... et qui lui va comme un gant.

Toute petite, elle avait cru en sa capacité d'écrire et de composer dans la forme chansonnière. Très vite, elle avait identifié sa passion pour la musique et la chanson. Claire Pommet sut grandir dans l'incertitude professionnelle et... décevoir quiconque lui souhaitait un avenir sûr, conformiste, prévisible.

Au début de la vingtaine, rien n'indique qu'elle abandonnera un jour sa peau de Pomme.

«Dès l'enfance, raconte-t-elle lorsque jointe en France, j'avais besoin et envie de musique et de chanson. C'est ma prof de chant qui m'avait fait découvrir Barbara, j'avais 8 ans. J'ai ensuite écrit mes premiers textes, mais je n'ai commencé à jouer de la guitare que vers l'âge de 12 ou 13 ans. J'ai mis mes mots en musique à partir de là.»

Maman, papa, la famille n'y seraient pour rien... ou si peu.

«Mes parents m'avaient inscrite au solfège comme on le fait pour tant d'enfants. Ils écoutaient beaucoup de musique, mais ils ne m'ont pas spécialement poussée à exercer ce métier.»

Pomme s'est donc construite elle-même, même si elle fut aidée financièrement par sa famille afin de quitter son Lyon natal, s'installer à Paris, poursuivre et abandonner ses études universitaires... surtout vivre à fond sa passion chansonnière jusqu'à ce qu'elle soit recrutée chez Polydor en 2015.

Qu'on ne s'y méprenne, la jeune artiste n'a pas pris Barbara pour modèle unique, n'a suivi aucun mode d'emploi pour devenir la Pomme qu'elle est.

«J'ai écouté plein de trucs différents, beaucoup de pop anglophone mais aussi des classiques folk ou country. Adolescente, j'ai découvert Joan Baez, Dolly Parton ou Joni Mitchell, mais j'ai aussi écouté Lady Gaga et Rihanna, enfin tout ce qui passait à la radio. Encore aujourd'hui, j'écoute de tout, y compris le hip-hop. Des artistes de tous styles m'ont influencée.»

Faire sa place

La chanson francophone moderne compte désormais plusieurs générations à son édifice, Pomme est forcément référentielle comme le sont tous les praticiens de son âge. Que faire alors pour se distinguer, faire sa place?

«L'idée n'est pas de faire de l'imitation ou des trucs inspirés directement par un artiste important. Je fais de la chanson française acoustique, c'est forcément associé au courant folk... Mais je raconte quand même mes histoires, c'est personnel. Tout le monde fait des parallèles et... je n'ai aucune idée à quoi ça ressemble.»

Elle a lancé l'EP En cavale il y a deux ans, puis l'album À peu près l'année dernière. Écrites ou non par l'interprète, ces chansons répandent des copeaux de vie intime.

«Une part de cet album comporte mes textes et une autre est écrite par des auteurs-compositeurs. Du coup, c'est un melting-pot d'histoires très personnelles, d'autres qui le sont moins. Je peux aussi me mettre dans la peau d'un personnage, mais je raconte ou chante toujours des choses qui me touchent et qui sont importantes pour moi.»

«L'idée n'est pas de fédérer tout le monde, mais de raconter des choses de manière à ce que ça me fasse du bien. Du coup, ça peut faire écho.»

Musicalement, il y a une différence marquée entre les enregistrements de Pomme et ce qu'elle offre devant public.

«L'album, souligne-t-elle, est vachement plus arrangé que ce que je fais sur scène, où j'ai envie de revenir à quelque chose de plus brut. Ce fut déstabilisant pour moi que de me faire dire que la version enregistrée d'une chanson était définitive. J'apprécie donc ce pouvoir de changer les choses sur scène. J'aime que ce soit complètement aléatoire. D'un soir à l'autre, donc, je ne vais pas faire les mêmes choses, je me souhaite une entière liberté.»

Pour aller au bout de cette liberté, elle préfère se produire seule, avec sa guitare et quelques instruments d'appoint. «Je me suis déjà produite en duo et je ne retrouvais pas du tout les sensations et la liberté que je ressens quand je suis seule. Tout est minimaliste, tout est clair, joué sans détour, exprimé à l'état brut.»

Cela étant, elle ne repousse pas la perspective de revenir à des habillages plus sophistiquées. «J'ai beaucoup écrit récemment, j'ai envie de musiques de chambre autour de mes prochaines chansons, je souhaite exploiter des sonorités inusitées.»

Terre d'importance

Encore à l'aube de sa carrière, Pomme fait ce qu'il faut pour s'implanter de ce côté-ci de l'Atlantique; elle y a chanté quelques fois déjà, y a établi une relation de proximité avec plusieurs artistes québécois de la chanson, y a enregistré des duos avec Philémon Cimon, les Soeurs Boulay, Fanny Bloom et Safia Nolin. Après s'être produite aux Francos cette semaine, elle reviendra cet été à la Chapelle du rang 1, à Lac-Mégantic, et elle envisage une tournée automnale en novembre prochain.

«Le Québec est une terre importante pour moi», affirme-t-elle sans ambages.

À l'évidence, l'Amérique francophone l'incite à être Pomme. Pas... à peu près.

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Sur la Scène Bell, ce soir, 19 h, dans le cadre du spectacle La Traversée, avec Adrien Soleiman, Laura Cahen, Marvin Jouno, Sara Dufour, Antoine Corriveau, Sophie Pelletier, Shawn Jobin.

Au Théâtre Maisonneuve, mercredi, 20 h, en première partie de Camille.