Facile d'imaginer Zaho triompher dans un amphithéâtre rempli à ras bord. Difficile de voir cette authentique hitmaker ailleurs qu'au faîte de la diffusion FM... et d'autant plus ardu de s'expliquer pourquoi cette chanteuse, parolière et compositrice, émigrée à Montréal pendant la décennie noire de l'Algérie, est devenue une pop star en France, en Afrique du Nord et... pas au Québec, sa terre d'adoption depuis près de deux décennies.

Il a fallu que Céline Dion choisisse d'interpréter trois chansons de Zaho pour qu'elle soulève l'intérêt des médias: l'an dernier, elle participait à la création de l'album Encore un soir, le plus récent de la mégastar québécoise. Elle y signait Ma faille, Tu sauras, Encore un soir - avec le concert de Ludovic Carquet, Flavien Compagnon, Therry Marie Louise et Giorgio Tuinfort.

En 2013, sa carrière allait bon train en Europe, mais son rayonnement au Québec était nettement moindre; elle devait se produire sur une petite scène extérieure devant une horde de fans en majorité d'origine algérienne.

Quatre ans plus tard, les choses ont changé: Zaho chantera aujourd'hui et demain sur les principales scènes extérieures des FrancoFolies, fort possiblement la dernière étape de son implantation avant de présenter d'éventuels spectacles en salle.

«Mieux vaut tard que jamais»

Jointe en France avant qu'elle ne rentre à Montréal pour les Francos, Zahera Darabid (de son vrai nom) ne se formalise pas de ce décalage de popularité.

«Il n'y a pas de hasard dans la vie. Si on n'a pas encore parlé de moi jusqu'à une période récente, ce n'était pas le moment. Je n'étais pas prête, l'oreille de Montréal ou du Québec n'était pas prête. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais», philosophe la trentenaire.

Ce qui n'enlève rien à sa motivation, s'empresse-t-elle de souligner.

«Chaque fois qu'on m'a invitée pour de la promo ou des interviews, j'ai répondu présente. Tôt ou tard une chanson parlerait à tout le monde de ce côté de l'Atlantique. J'y ai quand même eu deux morceaux qui ont connu un certain succès : Hold My Hand (avec Sean Paul) et Heartless (avec Justin Nozuka). On connaissait ces chansons sans mettre forcément un visage sur les personnes qui chantaient.»

La vie lui donne maintenant l'occasion de lier son visage à sa création.

«L'intérêt qu'on semble me porter me permet de relever ce nouveau défi et c'est tant mieux. Me faire connaître dans cette ville qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, c'est un pèlerinage aux sources, là où tout a commencé.»

Là où tout a commencé et où tout continue: Zaho a beau passer beaucoup de temps en France, elle vit toujours à Montréal.

«Je fais sans cesse des aller-retour entre le Canada et la France. Il m'arrive parfois de passer presque toute l'année au Québec parce que j'y compose et produis mes chansons ou celles des interprètes pour qui je travaille. J'y ai ma maison, mon studio et mes entreprises de production. Et je suis aussi sous contrat chez Warner Music France.»

On lui devine une fibre entrepreneuriale, ce qu'elle corrobore.

«Je coréalise mes chansons, je m'entoure de gens différents pour me frotter à leurs influences, pour évoluer. Au final, je fais ce métier pour les rencontres, pour me nourrir de l'autre, pour partager mes connaissances, pour grandir. Je ne suis pas vraiment de règles, je vois le style de mes collaborateurs et je vois si ça peut coller. J'aime qu'ils fassent avec moi ce qu'ils ne font pas seuls ou avec d'autres, je veux qu'on échange.»

Francophonie urbaine

Hormis Céline Dion, elle a écrit et composé pour maintes personnalités de la chanson et du hip-hop: Idir (plusieurs morceaux du fameux album La France des couleurs), Chimène Badi, Lynnsha, Soprano, Black M, on en passe.

«Ma carrière solo, soulève-t-elle, ne prime pas sur ma carrière d'auteure, compositrice et productrice pour d'autres. J'ai payé mes premiers loyers en écrivant pour les autres et en créant des jingles pour CKOI ou Énergie. J'adore travailler pour les autres, j'aime comprendre l'artiste pour lequel j'écris, deviner ce qui le touche.»

Algérienne, Canadienne, Québécoise, Montréalaise, arabophone, polyglotte, «amoureuse de la langue française», chanteuse pop férue de hip-hop, de R & B, de zouk ou de reggae, Zaho incarne parfaitement la francophonie urbaine de notre époque.

«Oui, je peux écrire en anglais, mais je trouve le français plus poétique. J'ai déjà écrit des refrains en arabe, je pourrais le refaire. J'ai un public en Algérie, j'aime y retourner et je me trouve chanceuse de résider à Montréal où je peux exister et me surpasser sans me dénaturer. Je ne demande maintenant qu'à y être connue.»

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Sur la scène Bell ce soir, 18 h, et sur la scène Ford demain, 20 h.