Sons bruts, lettres affinées, braises, incendies. Feu ! Chatterton allie ces qualités optimales qu'on cherche dans le rock et la chanson. Joint à Paris, Sébastien tente de s'expliquer le buzz que génère son groupe outre-mer, cette vague qui se remet à rouler sur l'Amérique francophone, un an après l'heureuse découverte du quintette parisien aux Francos.

« Peut-être est-ce notre mélange entre le rock anglo-saxon et cette tradition très classique de la chanson française... Peut-être cela plaît-il au public québécois, qui apprécie le lâcher-prise du rock et le travail des mots. »Ça ressemble à ça ! réagit-on au bout du (sans-)fil. Suggérons aussi à Sébastien que cette impression d'effritement de la pop rock française, observable au cours de la précédente décennie, est infirmée par l'émergence de formations comme la sienne. Et comment en vient-on à cette approche ? La gestation de Feu ! Chatterton remonte à l'école secondaire, explique son guitariste et claviériste, en l'occurrence l'un de ses deux principaux compositeurs : 

« Clément et moi nous étions mis à la musique alors que nous étions au lycée Louis-le-Grand [près de la Sorbonne], là où étudiait aussi Arthur. Nous apprenions à jouer en autodidactes pendant qu'Arthur ne cessait d'écrire. Ce n'était pas de la chanson, c'était plutôt de la poésie et du rap. Arthur a ensuite fait une école de commerce dont il détestait les cours... »

Ainsi, Arthur a découvert sa plume avant sa voix, Sébastien et ses collègues lui ont reconnu un vrai talent.

« Il a le sens aigu de la description avec peu ; il cherche la perfection dans le choix des mots. Au départ, il écrivait en quantité et il en est venu progressivement à réduire. À polir les pierres et créer des bijoux. C'est ce qui est très fort dans son écriture. Aussi, il est capable de créer des doubles sens sur tout et n'importe quoi. Il peut être hyper grave ou complètement loufoque. Qui plus est, son écriture est très métaphorique, parfois surréaliste. J'en dirais autant de son interprétation en tant que chanteur. »

ÉDUQUÉS ET AUTODIDACTES

Lorsqu'ils sont talentueux, les autodidactes sont dispensés des habitudes classiques. Sébastien et ses collègues ont construit là-dessus.

« Il y a des fragilités, en revanche, mais ça participe des aspérités de notre musique. Et c'est ce qu'on aime. Il faut toutefois dire qu'Antoine [le bassiste] et Raphaël [le batteur] ont appris la musique au conservatoire. Éduqués et autodidactes constituent un mélange qui marche assez bien dans notre cas. »

Quant au présumé rock de Feu ! Chatterton, il décrit davantage une attitude qu'un style clairement circonscrit.

« C'est vrai que le rock classique guitare-basse-batterie disparaît progressivement, à cause du hip-hop et de la musique électronique, convient Sébastien. En fait, nous nous inspirons de ces autres expressions. Arthur a écouté beaucoup de rap français ou américain. Nous avons aussi baigné dans la musique électronique, et c'est pourquoi nous utilisons une profusion de synthétiseurs et de machines. »

« Du rock, on garde l'énergie de ce qu'on voit sur scène, une forme de brutalité et d'abandon. Aujourd'hui, tant de groupes mélangent ces esthétiques. Prenez Radiohead ou LCD Soundsystem. »

Très porté sur la démocratie participative, le groupe français préconise une méthode de travail en phase avec cette valeur.

« La création des textes et des musiques se fait en même temps. Des mots viennent à nos oreilles et, du coup, ils génèrent une idée musicale ; il y a cet aller-retour constant entre l'écriture et la composition. Nous passons beaucoup de temps à trouver une sorte d'équilibre entre le sens du texte et son intelligibilité dans la mélodie. »

RACONTER UNE HISTOIRE

Deux maxis, Feu ! Chatterton et Bic Medium, ainsi qu'un album, Ici le jour (a tout enseveli), ont été lancés depuis 2014.

« Nous avons enregistré l'album avec le réalisateur Samy Osta [La Femme et Rover]. On s'est hyper bien entendus avec lui. On a enregistré trois semaines en Suède puis on a terminé à Paris. On a mis énormément de temps à choisir l'ordre des chansons pour que ça raconte une histoire. »

Raconter une histoire, voilà le truc principal de Feu ! Chatterton, dont le nom évoque le fameux tableau de Henry Wallis créé au XIXsiècle, représentation du poète suicidé Thomas Chatterton, étendu sur son lit de mort à l'âge de 17 ans. 

« Il y a une dizaine d'années, raconte Sébastien, nous avons assisté à une exposition sur la mélancolie. Nous sommes tombés sur ce tableau pour ensuite nous renseigner sur le personnage. Nous avons également observé que Gainsbourg en avait fait le titre d'une chanson et Bashung, le titre d'un album. Nous avons alors ajouté un point d'exclamation au mot feu [qui indique la mort de Chatterton] pour casser ce truc morbide et ainsi nous amuser à ressusciter le personnage. Finalement, tout ça nous allait plutôt bien ! »

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Au Club Soda vendredi, 19 h. Première partie : Bernhari.