À l'entendre vendredi soir au Gesù, il était bien difficile d'imaginer que Jacques Michel avait quitté la scène depuis un quart de siècle.

D'emblée, malgré une nervosité certaine qu'on ne saurait lui reprocher, l'auteur-compositeur-interprète a exprimé son plaisir de retrouver la scène et son public, plaisir partagé par ces centaines de spectateurs de toutes origines venus retrouver le chantre de l'amitié et du partage. Pas besoin de frapper pour entrer chez nous...

Accompagné de magnifique façon par les frères Yves et Marco Savard, Jacques Michel a livré ses nombreux succès avec cette voix qui n'a rien perdu de sa clarté et de son perçant.

L'artiste de 73 ans a ouvert son spectacle avec la chanson Un nouveau jour va se lever, titre qu'il a donné à son récent CD (Un nouveau jour, Audiogram), compilation de treize de ses succès sur des arrangements d'Yves Savard, dont un « réarrangement », dans le cas d'Amène-toi chez nous, au tempo ralenti et « hispanisé ».

Certaines pièces telles Chacun son refrain ont par contre un petit quelque chose de plus par rapport aux originales des années 70 et Marco Savard fait un emploi discret de la guitare électrique pour donner un peu de relief à ces pièces que les producteurs du disque présentent comme du folk acoustique.

Ici, Jacques Michel évoque le livre Au mitan de la vie de Jacques Grand'Maison (1976), qui lui a inspiré la pièce Un peu d'air, une pièce presque rock qui s'adresse, dira-t-il, aux hommes de 40 à 50 ans... peu nombreux, hier au Gesù. Là, on retrouve un Jacques Michel appelant à « la dissidence » dans Vodka cola dont il a puisé l'inspiration dans La démocratie ingouvernable de Pierre Vallières. Et la foule de retraités d'applaudir le chanteur engagé qui interpelle les puissants.

Soirée chaleureuse

Engagé aussi dans L'enfant d'abord - parlons-nous assez des enfants mal-aimés ? -, un peu nostalgique devant le temps qui passe dans Mon petit camarade, rassembleur auprès des hommes d'ici et d'ailleurs dans Chacun son refrain.

Avec sa diction toujours impeccable, Jacques Michel a un peu de misère à dire les « toé » et les « moé » qu'a écrits Ève Déziel dans Salut Léon, une chanson qui, depuis 35 ans, a ratissé le Québec « de bord en bord », de bar en bar, en fait : et il en a remercié les chansonniers qui ont fait vivre cette complainte d'André, dont la femme est partie.

Dans cette chaleureuse soirée de retrouvailles, Jacques Michel a aussi interprété une chanson de Richard Desjardins (Il va toujours y avoir). Bientôt, il va demander à un autre compatriote abitibien, Serge Fortin, s'il peut faire une de ses chansons en spectacle.

Et Fortin a avantage à dire oui, car Jacques Michel est parti pour chanter encore longtemps.