Gerry Boulet rêvait que ses chansons lui survivent. Vingt-cinq ans après sa mort, il était très beau hier de voir toute une jeune génération de chanteurs porter bien haut ses hymnes rock qui ont marqué le Québec des années 70 et 80.

Et la foule vraiment multigénérationnelle, preuve que ses chansons ont traversé le temps, est venue très nombreuse sur la place des Festivals à ce « rendez-vous doux » proposé par les FrancoFolies, pour se rappeler cette voix qui nous a tous marqués.

Une douzaine d'artistes qui, pour la plupart, ont découvert Gerry lorsqu'ils étaient enfants se sont succédé sur la grande scène dans un spectacle généreux et varié, mais qui manquait peut-être un peu de mordant. Ça n'était pas fou de ne pas tenter d'imiter l'original - à part Pierre Verville, quelques secondes au début, perruque sur la tête -, car, on le sait, Gerry est inimitable. Mais entendre tous ces garçons et filles à la voix si haute, à quelques exceptions près, a probablement fini par dénaturer un peu l'essence même du rocker qu'on aimait.

Lorsqu'il est mort en 1990, Gerry Boulet était une immense vedette populaire qui avait vendu 300 000 exemplaires de son album solo Rendez-vous doux, sorti en 1988. Il est resté de cet album pop-rock des chansons indémodables qui sont gravées dans l'imaginaire collectif, et qui ont été abondamment reprises hier : Angela (Alex Nevsky, classique), la sublime Un beau grand bateau (Isabelle Boulay, impériale), Les yeux du coeur, dans un duo où Brigitte Boisjoli a remplacé Marjo, et Daniel Boucher Gerry, Pour une dernière fois (Alexandre Désilets, dans une interprétation très sentie).

Les chansons d'Offenbach ont aussi occupé une place de choix, évidemment. 

Antoine Gratton, Olivier Langevin et Fred Fortin ont sûrement formé le trio gagnant de la soirée avec leur rock pesant sur Chus un rocker et Câline de blues, les seuls peut-être à faire revivre l'esprit d'Offenbach, qui, selon la légende, n'était pas formé d'enfants de choeur...

On a pu entendre ensuite des versions remaniées de Ayoye par Martha Wainwright, Rock de velours et son riff imparable par Antoine Gratton (très à l'aise dans l'ambiance des années 70), Prends pas tout mon amour par Daniel Boucher (vraiment habité), Seulement qu'une aventure (Alexandre Désilets, très soul-pop), Faut que j'me pousse par Betty Bonifassi, qui a un peu buté sur les paroles.

Ainsi s'est déroulée la soirée, quelque peu en dents de scie et drôlement construite, sans véritable crescendo. Mais heureusement entrecoupée d'extraits vidéo d'entrevues avec Gerry, pour nous rappeler combien l'homme était vrai et émouvant. Les grands absents ont été tous ces auteurs qui ont écrit pour lui, les Michel Rivard, Denise Boucher, Pierre Harel et même Plume (pour la moins connue Serre volant, chantée par Brigitte Boisjoli), et qui n'ont jamais été nommés. Si Gerry le musicien était un mélodiste de grand talent, il s'est toujours fait un point d'honneur de choisir des textes chargés de sens et solides.

Le tout s'est terminé sans grande vague, après une interprétation de groupe de Promenade sur Mars (classique), puis avec Gerry à l'écran chantant Quand les hommes vivront d'amour et L'hymne à l'amour. Parce qu'on ne remplacera jamais l'original.