Fédératrice, hyper-vitaminée, d'un dynamisme épidémique, Zaz serait-elle en voie d'acquérir la stature des grandes icônes de la chanson populaire dans l'Hexagone? Il est permis de le croire. Chose certaine, cette trentenaire incarne l'idée qu'on se fait d'une tradition chansonnière bien vivante, ancrée aux ports de sa modernité.

À l'évidence, Zaz a du zip!

Au téléphone, les répliques rivalisent d'intensité, prélude à un tour de chant à indice d'octane trrrrès élevé - mardi au Métropolis. Venue à quelques reprises au Québec, elle se montre ravie d'y revenir et déplore l'agenda surchargé que lui impose son rayonnement devenu international.

«C'est un bonheur que de revenir chez vous, on n'y vient pas assez souvent... tellement de concerts donnés partout! L'Amérique latine en mars dernier, Argentine, Chili et Uruguay. Vraiment dingue! Ils savaient toutes mes chansons par coeur! On a aussi fait les pays de l'Est, Serbie, Pologne, Allemagne, République tchèque, sans compter la Turquie, le Japon, les États-Unis. Bientôt Beyrouth, ne manquera que l'Afrique! En France, ils ne comprennent pas trop... C'est comme si on avait du mal à admettre qu'un artiste francophone puisse marcher à l'étranger. Un peu casse-couille...»

Profondément française

Sans vouloir faire dans la comparaison directe, Isabelle Geffroy (de son vrai nom) a quelque chose de piafien dans l'expression généreuse qu'elle a, dans la démesure du ton, dans l'abandon de soi. Elle demeure profondément française dans l'usage de références musicales qui balisent son oeuvre encore jeune; hormis son aura de feu, le succès populaire de Zaz est attribuable à l'usage récurrent de traits connus de la chanson hexagonale - swing manouche et java, mais aussi l'Afrique, le Brésil, la soul d'Amérique et plus encore.

Lorsqu'on lui suggère que ses chansons s'inscrivent parfaitement dans la lignée nationale, on l'imagine légèrement contrariée.

«Oui... pour l'instant! Dans mes albums (dont le dernier, Recto Verso), il y a quelque chose de peut-être moins incarné. Je suis fière de mes enregistrements mais... En spectacle, c'est très différent. Il y a plus de jazz, plus de rock, des musiques électroniques, des choses tribales. Beaucoup plus spontané! Et mon nouveau spectacle n'a rien à voir avec le précédent: musique, mise en scène, éclairages... mais on ne peut malheureusement pas faire voyager nos décors. Pour revenir au studio, un troisième album sortira en octobre, des reprises avec des collaborations spéciales. Je m'y éclate, j'y suis plus détachée que lorsqu'il s'agit de mes propres chansons... et je n'en dirai pas plus!»

À 34 ans, Zaz est plus qu'une chanteuse populaire, puisqu'elle personnifie cette tendance progressiste et citoyenne devenue plus ou moins discrète dans une France qui a moins la cote par les temps qui courent.

«Avec la montée du Front national et machins, maugrée-t-elle, les médias parlent de la France de manière super négative, alors que plein de gens essaient d'en changer la société, comme l'association Colibris, avec laquelle je suis impliquée. On y propose d'autres valeurs concernant l'économie, l'éducation, l'agriculture, l'habitat, l'entraide. Dans mon pays, il faut savoir que plein de gens sont en train de reconstruire de l'intérieur. Or, les médias préfèrent mettre l'accent sur ce qui fait chier et ce qui n'est pas beau. Et je ne trouve pas ça cool!

«En tant que personne médiatique, ajoute la passionaria, je trouve ça important de parler de ces choses positives. Je chante pour changer cette société. Ça ne sert pas à rien! Abandonner, c'est donner raison aux autres. Pour moi, c'est hors de question.»

Chanteuse réaliste, en somme?

«Oui, je pense. Je suis réaliste et, en même temps, j'ai une grande imagination. Il y a du réel dans toutes les images et les symboles que j'emploie. Je ne fais pas de différence entre le réel et l'imaginaire, car la réalité des uns peut être le rêve des autres. J'ai une vision de la vie et je n'accepte pas cette vie telle qu'elle est devenue pour bien des gens. Je n'accepte pas, car j'aime énormément la vie. On est des humains, on marche, on parle, on touche, on fait l'amour, on fait des bébés. Y a quelque chose d'intelligent et de magique dans cette vie, quand même!»

Au Métropolis, mardi à 21h, dans le cadre des FrancoFolies de Montréal. Première partie: Benoît Paradis.