Dire qu'elle était attendue serait un grossier euphémisme. Keny Arkana a fait connaissance vendredi soir avec des fans montréalais passionnés qui l'acclamaient une bonne demi-heure avant qu'elle ne se montre le bout du nez, qui ont chanté avec elle à s'époumonner et ont levé le poing chaque fois que la dame ou son DJ le leur demandaient.

Comme sous le grand chapiteau du Printemps de Bourges où nous avions vue l'artiste de 30 ans il y a deux mois, ces fans inconditionnels ont scandé à plusieurs reprises Ke-ny! Ke-ny! et la Marseillaise au sang argentin leur a répondu chaque fois Mont-réal! Mont-réal! dans le plus chaleureux échange qui se puisse imaginer.

On l'attendait, mais elle aussi rêvait depuis huit ans de venir chanter à Montréal comme elle l'a rappelé au début de ce concert d'une heure et demie qui s'est terminé par une séance de crowd-surfing aller-retour entre la scène et la console de son. Les spectateurs masses au parterre ont pu constater pourquoi on l'a surnommée Petite.

La première demi-heure du concert a été étourdissante d'énergie. Entourée de quatre musiciens, un DJ et son acolyte rapper-chanteur RPZ, Keny Arkana sautillait, disait et chantait ses textes sur le système de lèche-culs, les chaînes qu'il faut briser et la mondialisation de la rébellion tout en reprenant à son compte les slogans anti-capitalistes lancés depuis la salle, en français comme en espagnol.  

Ç'aurait pu être assommant, ça ne l'était pas le moins du monde. Il y avait même dans ce Club Soda bondé une bonne humeur tangible tout à fait en accord avec la personnalité de Keny Arkana. Sa musique est à son image, tantôt irrésistible de fougue, tantôt presque fleur bleue sans jamais verser dans la kétainerie. Les beats hip-hop y font bon ménage avec une guitare aux accents espagnols ou des chansons dans la tradition française (J'me barre, Fille du vent). Une vaste palette qui fait pourtant un tout grâce au charisme de la chanteuse.

Il y a bien mon voisin de gauche qui, pendant un trio de chansons bivouac pourtant fort jolies, a lancé à son copain «ouin, c'est un peu trop tranquille là», mais l'ensemble des spectateurs a semblé apprécier ces pièces plus humanistes prétextes à chanter tous ensemble «car nous sommes le monde» sur fond de guitare acoustique et de beat léger.

Keny Arkana nous avait dit à Bourges qu'au Québec, on avait compris son «délire» plus encore qu'en France, et ce à ses tout débuts. L'accueil triomphal que Montréal lui a réservé hier, et qui l'a sans doute étonnée par son intensité, en est la plus belle preuve et on n'attendra sûrement pas huit autres années avant de la revoir dans une salle plus grande. 

On aurait bien aimé vous montrer le sourire fendu jusqu'aux oreilles de Ke-ny! Ke-ny! sur scène, mais le photographe de La Presse a été refoulé à la porte du Club Soda. La consigne: «aucune photo ne doit être prise sauf approbation du management».