Havre de Grâce, troisième album de la formation acadienne, championne du chiac en mode hip hop et plus encore, est sorti en mars dernier. Depuis lors, Radio Radio a eu le temps d'en faire décoller les chansons sur scène, l'escale francofolle est imminente. Ses comparses étant retenus en Nouvelle-Écosse pour un tournage à Baie-Sainte-Marie, c'est-à-dire de là d'où ils proviennent, Gabriel Louis Bernard Malenfant nous cause seul de ce nouveau chapitre qui s'écrit actuellement sur les planches, et dont le Métropolis ne fera pas exception, ce soir.

Q. Pouvez-vous décrire sommairement votre récente progression sur scène?

R. Actuellement, nous sommes six troubadours sur la route: Jacques Alphonse Doucet, Arthur Comeau  et moi-même sommes accompagnés par la trompettiste Josianne Rouette, le batteur Steve Caron et le claviériste Samito Samito. Donc, il s'agit d'un groupe de musiciens, de musique électronique et de rappeurs qui peuvent chanter. Chacun a trouvé son moi sur scène, nous sommes de plus en plus à l'aise avec la foule. Plus tu fais de la scène, plus tu as le sentiment de te rapprocher des gens. On doit quand même recommencer à neuf chaque soir qu'on se présente. Il faut avoir le sentiment de découvrir un nouvel auditoire, exactement comme lorsqu'on a débarqué en France la première fois. Partout où nous allons, nous avons beaucoup de fun sur le stage. Pas grand place où les gens restent froids. Certaines chansons, d'ailleurs, prennent vie sur scène. Prenez Comment ça va? qui a failli ne pas être sélectionnée dans notre dernier album: elle est devenue le big banger de notre nouveau show!

Q. Qu'avez-vous à proposer de neuf par rapport au spectacle précédent, encore frais dans les  mémoires?

R. Au Métropolis, nous avions terminé la tournée de l'album Belmundo Regal, soit le 16 décembre dernier.  La tournée qui se terminait nous avait menés au Québec, en Acadie, dans l'Ouest canadien, en France, en Belgique, en Louisiane et aussi à New York. À la fin de la tournée précédente, Havre de grâce était pas mal fini, ne restait  que des séances de mixage et de matriçage qu'on a menées en janvier. Entre la dernière tournée, la sortie du nouvel album et cette nouvelle tournée, il n'y a pas eu de pause. Pour le dernier show de décembre, nous avions alors quatre choristes, trois percussionnistes en plus du band. Pour les Francos, nous avons décidé de ne pas grossir notre équipe de tournée. Nous avons plutôt entrepris d'ajouter des décors, des projections, des éclairages de Mathieu Roy, une mise en scène de Brigitte Poupart. L'idée, c'est d'amener le côté psychédélique du plancher de danse, offrir une surdose de lumières et de lasers dans la foule, de manière à la faire sentir plus proche de nous.

Q. Par rapport aux albums précédents, qu'y a-t-il de particulier dans Havre de Grâce, au-delà de ce mélange exotique de hip hop, rock, électro et chiac, fameux franglais acadien?

R. Havre de grâce a été créé avec des musiciens qui venus presque par hasard jammer avec nous en Nouvelle-Écosse, dans le chalet que nous transformons en studio pour faire nos albums. Sont apparues de nouvelles couleurs, une nouvelle mosaïque. Nous nous sommes entourés d'artistes montréalais de différentes origines, Japon, Mozambique, etc. Des humains différentes qui vivent ensemble et qui sont des amis. Pour moi, Havre de grâce est ce fil invisible qui nous unit et qui crée une cohésion originale. Il y a une expression italienne qui décrit bien notre affaire: faire la scarpetta consiste à saucer un morceau de pain dans l'assiette à la fin d'un repas et en ramasser tous les goûts. Rationnellement, certains ingrédients ne se mélangeaient pas dans notre album mais, au bout du compte, ça fonctionnait. Ça se rencontrait au Havre de grâce, ça relevait d'une culture globale.

Q. Culture globale chez Radio Radio mais aussi identité propre n'est-ce pas?

R. Je viens de Moncton au Nouveau-Brunswick, les autres sont de Baie-Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse. Nous nous sommes connus à Moncton et nous vivons à Montréal depuis près de cinq ans.  Personnellement, je m'y sens très à l'aise. J'ai eu la piqûre dès le début, j'en adore la vie culturelle. Et puisque ça brasse pas mal depuis le printemps, ça montre que cette ville a vraiment une âme. C'est sûr que nos familles nous manquent. Nos mères et la mer nous manquent. C'est pourquoi nous y retournons régulièrement, et que nous avons enregistré tous nos albums au chalet du lac des Anguilles. Bien entendu, voyager et vivre à Montréal nous a changés. Au début, d'ailleurs, j'avais un peu peur de trop prendre l'accent montréalais, j'étais un peu paranoïaque! Aujourd'hui, j'essaie consciemment de l'accueillir. De toute façon, je suis tranquille depuis que j'ai parlé à un linguiste: il m'a dit que ça prenait 400 ans pour perdre toute trace d'accent!