La dernière fois qu'on a vu Hugues Aufray à Montréal, c'était au Spectrum lors des Francos de 1995. Les années ont passé, mais le monsieur qui fêtera bientôt ses 83 ans n'a rien perdu de sa vivacité et de son énergie. «C'est un phénomène, celui-là», nous disait de lui Robert Charlebois la semaine dernière.

Pendant toutes ces années où il n'a fait qu'un tout petit saut à Québec pour un spectacle collectif l'année du 400e, Hugues Aufray n'a pas cessé de travailler. Ses disques étaient mal distribués, ses chansons «tournaient gentiment» à la radio, mais le public était toujours présent à ses spectacles en France, assure-t-il.

Après une vingtaine d'années à s'autoproduire, il est entré chez le major Universal en 2005 grâce à son ami Johnny Hallyday. Il a aussitôt proposé de lancer un disque hommage à Félix Leclerc qu'il venait de terminer. «Ils ont dit: Félix Leclerc, oui d'accord, mais enfin ce n'est pas ça qu'on attend de vous. J'ai dit: C'est à prendre ou à laisser. Alors, pour me faire plaisir, ils ont sorti le disque, mais il n'a pas tourné parce qu'ils n'y croyaient pas.»

Le pire, ajoute Aufray, c'est que cet album tout en émotion n'a même pas été distribué au Québec, où il espérait faire une tournée de spectacles: «Ç'a été un grand regret pour moi.»

Depuis, Aufray a lancé deux albums enregistrés avec des musiciens américains qui ont connu du succès et qui revisitaient des pans importants de sa carrière: New Yorker, où il reprend des chansons de Dylan qu'il a fait connaître aux Français après l'avoir découvert à New York en 1961, et Troubador Since 1948 - un titre un peu provocateur parce qu'on l'a déjà accusé d'avoir américanisé la chanson française, explique-t-il -, un disque autobiographique dans lequel il relit quelques-uns de ses grands succès (Céline, Santiano, Stewball).

Un lien avec le Québec

Hugues Aufray avait un lien profond avec le Québec bien avant d'enregistrer son tout premier disque, en 1959. La France de l'après-guerre n'était pas particulièrement jojo et le jeune Hugues a convaincu ses deux frères aînés de partir au Canada. Il raconte: «Comme j'étais trop jeune, que je n'avais pas fait le service militaire et que je n'avais pas de diplôme important, je n'ai pas été pris. Mon frère aîné est allé à Vancouver, puis à New York et il est devenu un grand mathématicien. Le second, qui était un garçon plein d'avenir et qui avait une voix d'opéra exceptionnelle, est allé au Québec. Il a vécu un amour malheureux et il a décidé de quitter la vie à l'âge de 26 ans. Il est enterré à Sherbrooke et, depuis ce temps-là, ce frère qui m'avait pratiquement élevé a fait que j'ai pour le Québec quelque chose de particulier. C'est un peu mon second pays, si vous voulez.»

Hugues Aufray a traversé l'Atlantique à son tour en 1961 et a découvert un Dylan peu connu à New York. Il en a aussi rapporté des chansons comme 500 Miles dont il récupère aujourd'hui la version française (J'entends siffler le train) que lui avait chipée Richard Anthony au début des années 60. Sa passion de la musique américaine se reflète encore dans le groupe qui l'accompagne: violon, banjo, lap steel, pedal steel... «J'ouvre mon spectacle avec une chanson qui est d'un modernisme effrayant, Les temps changent (The Times They Are A-Changin', de Dylan). Parce que actuellement, on peut vraiment dire que les temps changent.»

À 70 ans, Hugues Aufray a décidé de se remettre à la sculpture, à laquelle il se serait peut-être consacré si, plus jeune, il avait été accepté aux beaux-arts. Pour la première fois de sa vie, une de ses oeuvres, un buste en bronze de Dylan, est exposée dans le cadre d'une expo en hommage à l'artiste américain à la Cité de la musique de Paris. «J'étais fait pour être sculpteur et j'ai gagné ma vie comme musicien, dit Aufray. C'était mon destin. Aujourd'hui, à 82 ans, je prépare une exposition qui m'a été commandée par le musée Maillol, à Banyuls.»

En plus de sculpter, Aufray lancera bientôt son autobiographie et il prépare un nouveau spectacle qui, dit-il, sera complémentaire à tout ce qu'il a fait dans sa vie. Un spectacle qu'il rêve de revenir présenter au Québec dans une «vraie tournée».

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Hugues Aufray, au Théâtre Maisonneuve, demain, 20 h. En première partie: Alexis HK solo.