Un hommage à Serge Gainsbourg, décédé il y a 20 ans? D'accord. Mais comment faire pour rendre justice à son génie sans refaire le même hommage déjà entendu ailleurs? Comment redonner de l'éclat, du panache à celui qui n'en manquait pas? En mandatant Pierre Lapointe comme directeur artistique, pardi! Et en échafaudant un concept autour d'interprètes féminines. Ça va faire shebam, pow, blop et wizz.

Un projet n'attend pas l'autre pour Pierre Lapointe qui, après sa performance avec l'artiste visuel David Altmejd - et avant son spectacle du 1er juillet à Ottawa devant le jeune couple princier anglais! -, trouve le moyen de farcir son agenda de FrancoFolies. Une première partie au spectacle de Daho et Moreau, il y a quelques jours, puis la direction artistique de l'hommage à l'une de ses idoles, l'immortel Serge Gainsbourg.

«Ça fait longtemps que j'espère pouvoir faire la mise en scène d'un spectacle, mais personne ne me l'avait offert, à part Laurent [Saulnier, de Spectra], déballe Lapointe. Il avait ce projet d'hommage à Gainsbourg, il a pensé à moi parce qu'il savait que je suis fan. Il croyait que j'étais celui qui saurait mettre de l'avant autant de grandes chansons comme Poupée de cire, poupée de son que d'autres moins connues, éparpillées dans l'oeuvre» constituée de 280 chansons.

Il a accepté sans hésiter, vous pensez bien. Ce qu'on ne ferait pas pour le beau Serge! Il dirigera le spectacle, mais à sa manière. En recrutant des interprètes qu'il avait «envie de côtoyer dans le travail depuis longtemps»: Betty Bonifassi, les filles de Random Recipe, Clara Furey, Arielle Dombasle et Monia Chokri, mieux connue comme comédienne. Comme les Deneuve, Adjani, Bardot, tiens, qui ont chanté jadis les rimes du défunt.

«Je voulais une équipe qui me permette de rendre hommage à Gainsbourg sans tomber dans le cliché du rock band typique, précise Lapointe. Chose qui arrive beaucoup trop souvent depuis des années, surtout que Gainsbourg, on l'a trop entendu dans les dernières années. Ça sort de partout.»

Des personnalités fortes

Le metteur en scène s'est entouré de ses collaborateurs usuels, les brillants Joseph Marchand et Philippe Brault, son chef d'orchestre et arrangeur attitré.

«Ce que j'ai demandé à Joseph, c'est ce que j'appelle un monochrome instrumental, note-t-il. Pas de batterie, que des instruments à cordes pincés, banjo, mandoline, de la harpe aussi, mais en s'éloignant le plus possible des Lost Fingers et des Gypsy Kings. C'est très réussi. J'ai aussi insisté auprès des Francos pour qu'on puisse faire des tests de son, ce qu'on a obtenu. La prise de son sera très différente, dans l'esprit des vieux enregistrements jazz, avec des micros d'ambiance pour un son chaud. Un vrai trip de musiciens.»

Avec des interprètes qui le sont autant... ou pas du tout. L'esprit, croit Frannie Holder de Random Recipe, «était de regrouper sur scène des personnalités fortes, des caractères, des personnages. Pierre a suggéré des chansons qui collaient à chaque interprète», explique-t-elle. On ne sera pas surpris de savoir que le combo rap-pop Random Recipe a hérité du proto-rap Requiem pour un con.

Idem pour Arielle Dombasle, qui incarne autant l'actrice, la comédienne-chanteuse et la femme fatale qui hante l'univers gainsbourien. «Je suis ravie de pouvoir faire revivre l'oeuvre de Gainsbourg», assure celle qui l'a un peu connu, à la fin de sa vie. «Il me disait qu'il aimerait qu'on fasse quelque chose ensemble; eh ben voilà, ça a lieu, aux FrancoFolies de Montréal! Vous savez, je vais reprendre Harley Davidson, or, j'ai déjà fait une émission de télé avec Brigitte Bardot. Elle m'avait bouleversée en me disant: vous savez, Arielle, vous pourriez être ma fille...»

«Il assumait tout»

Lapointe veut créer un spectacle fidèle à l'image qu'il entretient du mythe Gainsbourg: quelque chose qui a plus à dévoiler au deuxième ou au troisième regard.

«Gainsbourg faisait des trucs qui pouvaient paraître insipides, mais qui souvent ne l'étaient pas; d'autres qui paraissaient insipides et l'étaient complètement, des choses parfois absolument affreuses, mais bien écrites, et beaucoup d'autres surhumaines de beauté, croit-il. Il assumait tout, parce que dans une carrière, tu peux écrire de la merde et des chefs-d'oeuvre, et même la merde finit par être magnifiée par les éclats de génie. Avec le recul, on réalise que c'est un très grand mélodiste, qu'il avait un sens de la pop inné, un sens du rythme, dans les mots surtout, incroyable. Et qu'il a toujours bien su s'entourer.»