«Peintre qui chante», «chanteur qui peint», le New-Yorkais de Nancy fait un saut à Montréal où il soulignera, ce soir au Club Soda, ses 30 ans de chansons. De Poèmes rock à Fort rêveur: «Ça va dépoter!»

Parce qu'on persistait à ne voir en lui qu'«un chanteur qui peint», il a choisi l'exil. Dans l'île qui ne dort jamais: Manhattan.

Nom: COUTURE; prénoms: Bertrand Charles Élie; DDN: 26 février 1956; lieu: Nancy; pays: France; occupation(s): chanteur, compositeur, peintre, écrivain, photographe...

C'était en 2004 et Ground Zero fumait encore du premier choc du millénaire. À presque 50 ans et dans l'anonymat le plus complet, Charles Élie Couture le plasticien s'installa bientôt dans une galerie-atelier de la 36e Rue. Pour ses voisins il devait être «The French artist»; lui, il pouvait enfin se consacrer à devenir «le peintre qui chante».

Le créateur «multiste» qu'est CharlÉlie - sa signature d'artiste - tient toujours boutique dans le West Side (voir charlelie.com). Il ne chante pas à New York, mais il chante New York sur le CD Fort rêveur qui, dans la foulée de son New Yor-Coeur de 2006, confirme de belle façon son retour au rock.

«Les gens qui appréciaient cette énergie à l'époque reviennent à ce qu'ils ont aimé», nous disait CharlÉlie la semaine dernière, au cours d'une entrevue téléphonique à la sono difficile, des orages violents frappant le nord de la France où il continue sa tournée. Toujours fort rêveur, mais plutôt content de l'accueil du vieux pays... L'avait-il quitté fâché? «Non. Je suis parti avant de tomber dans l'amertume...»

Vendredi et samedi, CharlÉlie chantait au prestigieux Casino de Paris, établi en 1730; ce soir, il est au Club Soda (de construction plus récente) dans le cadre des FrancoFolies de Montréal dont il est un habitué. En première partie: le Breton Bertrand Belin, ancien du groupe cajun parisien Stompin'Crawfish et lauréat du prix Charles-Cros 2010 pour le très sobre Hypernuit.

Soirée de contrastes en perspective donc, où CharlÉlie nous arrive avec ce Fort rêveur qu'il a fait deux fois... «Je l'avais enregistré à Paris avec Nicolas Repac, un proche de M, et le violoncelliste Vincent Segal, entre autres. Le disque toutefois ne correspondait pas à ma vision et j'ai décidé de le refaire à New York, avec un son plus près du rock américain.»

Prise new-yorkaise

Pour cette «prise 2» - faut pas être achalé, comme on dit à Nancy... - CharlÉlie a confié la réalisation à Sean Flora, un West Coaster qui a travaillé avec Black Keys, le duo rock de l'heure aux States, et avec les post-punks écossais de Franz Ferdinand qu'on reverra au Métropolis le 31 août.

«Comme Sean ne parle pas français, les paroles de mes chansons ne lui disent rien et il a pu se concentrer sur l'expression de ma voix», explique CharlÉlie qu'on entend à la guitare et aux claviers. Quand il s'agit d'expression vocale, le chanteur offre une aussi vaste palette dans son «blues rock poétique» que l'auteur dans ses thématiques. Ici, un tour commenté de New York (Le Phénix, 58th Street), là une chanson sur l'anorexie (Si légère) ou l'urgence de se réconcilier avec la terre (Les ours blancs, La vie facile).

«On tire de la terre plus vite qu'elle ne peut recréer: c'est effroyable! L'écologie doit avoir sa place dans les programmes scolaires, partout...» Réapprendre la grammaire de l'eau, de l'air et de la Lumière... Les États-Unis sont-ils en retard sur l'Europe verte? «La société américaine refuse de se ralentir, d'adopter un rythme plus lent que celui qu'elle a imposé au reste du monde. Il faut élargir la réflexion, voir son profit dans de nouvelles dimensions...»

Autocritique

Dans la «galerie» CharlÉlie - où il n'hésite pas à se prendre lui-même à partie: «Parfois, je hais ce que je suis devenu» -, on voit toujours défiler cette faune faite de pâmés et de zonards, de Mustafa qui a «québra le drugstore», de l'autre richard qui fait la belle... Les mêmes types urbains qu'à ses débuts il y a 30 ans, sauf que maintenant, ils ont des BlackBerry.

Montréal a connu CharlÉlie Couture à ses tout débuts. Dans un festival théâtre-variétés que Gilbert Rozon avait décidé d'organiser, en 1982, à l'hippodrome Richelieu, au bout de l'île, et qui s'est avéré l'un des plus grands fiascos financiers de l'histoire du showbiz québécois. CharlÉlie se rappelle très bien: «L'événement s'appelait la Grande Virée, à Pointe-aux-Trembles. À l'affiche il y avait Charlebois et une jeune chanteuse du nom de Céline Dion qui devait avoir 14 ou 15 ans...»

Comme la jeune fille de Charlemagne, CharlÉlie avait été bien accueilli avec ses Poèmes rock où il chantait Comme un avion sans aile et Le loup dans la bergerie. «Les Québécois ont toujours reçu avec intelligence mes disques et mes spectacles.» Avec chaleur aussi. Peut-être parce que, à l'instar de leur cousin lorrain Charles Élie Couture, ils savent qu'«il est difficile de ne pas disparaître».