Quand vers la fin du réjouissant spectacle de Louise Forestier, hier soir à la Cinquième Salle de la Place des Arts, le guitariste et chanteur Pierre-Alexandre Bouchard a dit qu'il n'aurait jamais cru s'amuser autant en tournée avec une mère et son fils, les plus sceptiques dans l'assistance l'ont cru sur parole. Nous en avions sous les yeux la preuve la plus éloquente: entourée du quintette rock El Motor, dont fait partie son fils Alexis Dufresne, Forestier était redevenue cette chanteuse unique dont on a tant aimé la fougue, l'intensité, l'humour et la folie.

Spontané et naturel

Dès le début de ce dernier spectacle d'une tournée entreprise il y a un an et demi, elle nous a confié un secret: ce spectacle d'une heure et 45 minutes se ferait seulement en français! Le ton était donné, pince-sans-rire, espiègle, spontané et naturel. Tellement naturel qu'on a presque eu l'impression qu'elle avait toujours joué avec El Motor, aussi bien ses chansons folkloriques (Les Montréalais, Dans la prison de Londres) que le rock chansonnier psychédélique pionnier qu'elle a fait avec Charlebois: California et une Lindberg à la hauteur de sa légende avec en prime une finale originale. Forestier et ses jeunes complices n'ont pas hésité non plus à relire des chansons de son plus récent album Éphémère, dont Loin d'ici, servie avec un supplément de guitare.

Mais c'est à mi-chemin que la chanteuse nous a vraiment tous eus. D'abord avec Y avait-il quelqu'un?, écrite avec Catherine Major, qui tanguait bellement entre la tempête rock et l'accalmie. Puis avec Le diable avait ses yeux, très théâtrale, que la chanteuse nous a servie seule au piano. Enfin, avec la plus belle adaptation de Ah toi belle hirondelle qui se puisse être, sortie du folklore et plongée dans un rock atmosphérique qui aurait été encore plus évocateur si on avait entendu un peu mieux le solo de guitare.

Ajoutez à cela l'Alabama Song de Brecht et Weill - «meilleure que celle de Jim Morrison», a crié un spectateur à qui la chanteuse reconnaissante a envoyé des becs -, La marche du président de Vigneault aussi éclatée que sur l'album Charlebois-Forestier et deux chansons pop-rock d'El Motor, dont L'homme-éléphant à laquelle la chanteuse a contribué en jouant un peu de tambourin.

Mur de musique

En présentant les musiciens et les membres de son équipe, Louise Forestier a dit qu'elle venait de vivre la plus belle tournée de sa vie, fusionnée avec un groupe qui ne fait qu'un et qui lui a construit un mur de musique, un mur du son sur lequel s'appuyer, rêver et s'évader. Elle ne l'aurait pas dit qu'on l'aurait deviné à sa mine réjouie.

Comme on pouvait deviner aux cris et aux applaudissements des spectateurs qu'ils souhaitaient que cette belle aventure se poursuive un jour.