L'allusion à ses soucis de santé fut brève, en toute fin de concert, mais ses mots étaient empreints d'une émotion sincère: Mara était vraiment, mais vraiment heureuse de retrouver son public montréalais hier soir au Club Soda pour lui présenter les chansons récentes de l'excellent Tu m'intimides, tout comme les plus vieilles, parfois revampées.

Soirée de retrouvailles en ce beau jeudi de Francos, davantage que d'exploration sonore. Bien qu'on aurait apprécié plus d'audace, personne ne s'en plaindra: ce disque, son quatrième, lancé en janvier 2009, on n'y avait pas encore goûté en vrai, en live. Sur cette tournée, l'orchestre a opté pour le direct, peu de fioritures, peu d'explosions, les chansons brutes, avec quelques surprises sur le plan des arrangements. Les chansons d'abord.

Connaissant l'oeuvre des deux as guitaristes, les omniprésents Jocelyn Tellier (Dumas, Fred Fortin) et Olivier Langevin (Vincent Vallières, Fortin aussi), ç'aurait pu faire des flammèches. C'est cependant le boulot de la section rythmique qui nous aura séduits, Guillaume Chartrain à la basse, Pierre Fortin à la batterie, fameux hier soir, on ne le dira pas assez.

Comment? Le groove, évidemment. La voix de Mara, de plus en plus belle à chaque nouvel album, possède cette qualité volage et imprévisible qui la fait mieux paraître lorsque les fondations de la chanson sont bien coulées. Chartrain et Fortin ont été impeccables de justesse, donnant l'appui nécessaire à la chanteuse pour qu'elle prenne son élan.

Pendant les deux premiers tiers du concert, elle a volé, Mara. Étonnamment douce et country en ouverture sur Tu m'intimides, prenant du muscle pendant Le printemps des amants, puis sur Le bateau, une vieille du premier album, alors qu'elle s'était mise au piano électrique. Tellier et Langevin ont joué d'audace pendant Toute nue avec toi du même album (Le Chihuahua), transformant, torsadant les lignes de guitare pour soulever une nouvelle mélodie - un peu plus tard, Les bois d'amour auront droit au même magnifique traitement.

On rapporte pas mal ces temps-ci combien le country-folk est redevenu un terrain de jeu pour les jeunes auteurs, compositeurs et interprètes, qui actualisent l'héritage roots. Mara reste toutefois avec deux coups d'avance sur ses collègues: gardant l'équilibre entre le country et le rock moderne, elle propose un son frais et excitant sans jamais perdre de vue les chansons, belles et sensibles, qui rendent toute l'opération possible et pertinente.

Chez Renée

On a attendu longtemps l'arrivée de Mara aux côtés de Renée Martel, la veille au Théâtre Maisonneuve. En milieu de seconde partie, elle est enfin apparue, avec l'amie Catherine Durand, pour les meilleurs moments de cette soirée qu'on aurait souhaitée plus collaborative, parce que c'est à ça que ça sert, une Carte blanche.

C'était donc pendant un hommage aux disparus, aux fondateurs du country francophone Bobby Hachey, Gerry Joli, Marie King, Paul Brunelle, Willie Lamothe, pot-pourri des immortelles que sont Quand le soleil, Mon petit Michel et autres Un jour à la fois. Les trois belles dames harmonisaient, Catherine banjo au cou avec sa voix suave, Renée avec la grâce qu'on lui connaît, et Mara de sa voix unique. Après coup, un dernier hommage, à Kate McGarrigle cette fois: Complainte pour Ste-Catherine, et Mara au violon. Frissons.

Le reste? Tout Renée Martel, sa tournée l'Héritage et ses super musiciens, de courtes visites des Annie Blanchard, Mario Pelchat et Jeff Smallwood (pendant un hommage à papa Marcel). La reine semblait en bonne forme, c'est ce qui compte.