Nous avions pourtant été prévenus, Jeanne Cherhal est déchaînée. En mettant les pieds à l'Astral, mardi soir dernier, les tables au parterre nous laissait dubitatif: assister assis au nouveau spectacle, apparemment plus rock que chanson, de la Française? Allait-elle supporter de regarder un public statique? Réponse: noui.

La Secte Humaine qui l'accompagne, quatre types aux gueules d'enfer du genre à nous intimer que ça allait chauffer ce soir, assis ou pas, avait commencé à poser les balises musicales de la soirée avant que Sexy Jeanne ne pose les bottes de cowboy noires sur les planches.

Mini-jupe noire, corset noir, filet transparent sur les épaules - qu'elle enlèvera prestement «parce qu'il commence à faire chaud» -, l'artiste nous projetait une image complètement différente d'elle-même, mélange d'exhibitionnisme et de fragilité dans son attitude rebelle et exutoire envers la complexité des relations sentimentales. Un concert d'après-rupture: elle a perdu son mec et ressent le besoin de séduire à nouveau. Perso, je suis tombé sous ses charmes.

C'était touchant. Et rock. Mais pas que. On s'est amusé, encore plus lorsque la glace fut brisée, après les trois ou quatre premières chansons, J'ai pas peur, la super Qui me vengera, En toute amitié et Mon corps est une cage (traduction du My Body is a Cage d'Arcade Fire), abruptes relectures rock de chansons de son plus récent album, Charades. Il y en a quatre, des charades, sur son disque, et transposées sur scène (l'une d'elles ayant même été traduites en québécois, faisant rimer quétaine et bedaine!), elles servaient de fil conducteur à la performance.

Or, même assis, ça se prenait bien. Le naturel finissant par revenir au galop, les interprétations rock laissent parfois place à de doux moments de chanson qui berce, surtout lorsque la svelte demoiselle s'approchait du piano droit - piano qu'elle a escaladé en fin de performance. Les plus anciennes chansons avaient aussi droit au maquillage de la Secte Humaine (un orchestre qu'on adore qui a donne encore plus de chien à la présence scénique de Cherhal), c'était parfait, un dosage d'intimité et de défoulement qui marque un tournant dans la carrière de l'auteur, compositrice et interprète.

Laurence Hélie

En première partie, Laurence Hélie a fait fort belle impression, simplement accompagnée d'une choriste (sa soeur, si nous avons bien compris), un guitariste et un violoniste, pour offrir une poignée de ces belles et simples chansons qu'on vient de découvrir grâce à son premier album.

Nous en aurions pris davantage, même avec une chanteuse un brin coincée - on croyait que c'était le trac de la première, il s'agissait plutôt d'un torticolis. En fait, c'était encore meilleur sur scène que sur disque; les arrangements, le jeu des instrumentistes, était fidèle au travail commandé par le réalisateur-guitariste Joe Grass, mais la voix était moins poussée devant. Elle se fondait dans l'ambiance suave de ses chansons country folk, ses interprétations paraissaient plus légères, moins appuyées, que sur CD. La prochaine fois qu'elle donne un concert, en espérant qu'il soit plus long, nous y serons, sans faute.

Didier Awadi

Peu avant 23 h, la foule francofolle s'est vite massée au stationnement Clark pour assister au dernier de deux concerts extérieurs que donnait le vétéran MC sénégalais Didier Awadi, ex-membre de Positive Black Soul. Personne ne l'a regretté, les curieux, les fans, les Montréalais issus des communautés africaines et les acteurs de la scène rap - on a salué Poirier, Boogat et Oxmo Puccino, qui observaient attentivement la performance, éclatante, de leurs confrères.

Son orchestre était classe: quatre musiciens, deux choristes, qui passaient du rock au funk aux rythmes africains en un tour de main. Imposant, Awadi commandait la foule de sa présence, sa voix qui résonne grave, son flow précis et sans manières au service de textes qui frappent. Espérons seulement qu'un autre concert sera programmé lorsqu'il reviendra cet automne, pour le lancement du documentaire Les États-Unis d'Afrique, auquel il participe.