Qu'a Jeanne à l'horaire? Une tournée de longue haleine, comme dit la brillante auteure, compositrice et interprète Jeanne Cherhal, qui s'amène aux Francos montréalaises pour la quatrième fois, histoire de présenter les chansons intimes et solitaires de l'album (presque) concept Charade, le plus personnel et audacieux de sa discographie.

«J'ai la chance de venir à Montréal à chaque disque, bien que la dernière fois, c'était entre deux albums, une petite tournée. Je m'étais débrouillée pour y être!» Abonnée aux Francos depuis Douze fois par an, son deuxième disque, Jeanne Cherhal, l'un des plus captivants visages de la chanson française moderne, est sur une nouvelle lancée. Concert après concert, elle biffe les dates sur son calendrier, «de février à février». En 2011, les vacances.

Ceux qui l'ont vue savent. Elle donne de fameux concerts. Cherhal habite la scène. Il y a chez elle une touche de théâtralité qui nous attrape par les sentiments, un mélange d'humour et de gravité qui colle à ses chansons et son style aigre-doux.

Par contre, cette fois, ça risque de brasser, en plus: la demoiselle est aujourd'hui propulsée par La Secte Humaine, l'orchestre rock aux accents seventies qui accompagnait Katerine à son dernier passage chez nous! «Il y a un fossé entre les chansons de mon disque et les versions sur scène - totalement voulu», prévient-elle.

Pourtant, c'est toute seule, et avec grande délicatesse, qu'elle a enregistré Charade, son quatrième album, avec pour seul coup de main celui de l'ingénieur de son Yan Arnaud, «dont j'appréciais le travail, explique-t-elle. Au départ, l'idée de tout faire moi-même est arrivée sans vraiment y penser. J'avais seulement envie de travailler avec Yan, on a des goûts assez communs.» Travail bicéphale, ajoute-t-elle, avec cet ingénieur qui a a aussi travaillé avec Air et Camille, entre autres.

Envie de collaboration, puis de défi, admet-elle tout de même. «Mon label m'a proposé d'essayer avec lui, sans l'obligation de rendre quoi que ce soit à la fin, juste voir si on s'entendrait bien. Or, je me suis mise à la batterie, à la guitare, je me suis éclatée puisque ça ne comptait pas vraiment...»

On devine la fin: une quinzaine de chansons, belles, vivantes, à vif.

«Enfin, je ne suis pas batteuse, pas guitariste ni rien, il fallait que je fasse avec mes incompétences, mes faiblesses. Ça m'a énormément plu.»

La lumière jaillit de ces petites imperfections: «Je suis plus attirée par les gens qui ne sont pas trop sûrs d'eux. J'aime bien les gens qui assument leur imperfection, d'avoir des faiblesses, des défauts, des incapacités, mais qui avancent quand même».

Fragilité

Thème central, ce constant sentiment de fragilité qui transpire dans les textes d'amours déçues et des Hommes perdus, comme dans le titre d'une des chansons. «C'est certainement une question d'âge, dit-elle. À 25 ans, je n'avais pas forcément envie de faire des chansons sur les mecs. J'en ai 32 aujourd'hui, la question de couple me parle davantage. Oh! j'ai fait une croix sur l'homme parfait, mais encore, ce qui me plaît chez les gens, ce sont les imperfections...»

Seule chanson qui ne soit pas d'elle dans cette Charade sentimentale, My Body Is a Cage d'Arcade Fire qui, traduite, devient Mon Corps est une cage, version très personnelle de ce joyau du répertoire «arcadien».

«C'est la première chanson sur laquelle j'ai travaillé pour l'album, je l'ai prise comme un exercice au départ, dit Jeanne Cherhal. Cette chanson me touche, me parle énormément, et je me suis dit: tiens, je vais voir ce que ça donne en français. Je ne pensais pas du tout la mettre sur mon disque. Mais au fur et à mesure, j'ai réalisé qu'elle avait vraiment sa place. Mes amis qui l'avaient entendue se sont étonnés que ce ne soit pas une de mes chansons...»

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Jeanne Cherhal est à l'Astral ce soir, dès 20 h 30; Laurence Hélie assure la première partie.