L'ascension d'Harley Streten tient presque du conte de fées. Le bidouilleur australien venait tout juste de franchir le cap de la vingtaine lorsqu'il a lancé le premier album de son projet Flume, il y a cinq ans. Le temps de le dire, il est devenu un incontournable de la musique électronique, qui a réuni les Tove Lo, Beck et Vince Staples sur son acclamé album Skin.

Au bout du fil, un long silence suit chacune de nos questions, comme si Harley Streten était à l'autre bout du monde, voire sur une autre planète, ou qu'il mûrissait chacune de ses réponses. Il ne s'agit en fait que d'un petit caprice de la technologie, mais qui colle bien à cet artiste, qui s'est développé en marge de la grande scène américaine et dont l'ascension a été telle qu'il est la tête d'affiche de l'ElectroFEQ cette année, sur les plaines d'Abraham.

L'expérience scénique est quelque chose d'important pour vous. Qu'avez-vous préparé pour ce concert sur la grande scène du Festival d'été?

C'est plutôt excitant, parce que je ne me suis jamais produit là, ce qui veut dire que personne ou à peu près personne n'a vu le spectacle. Il se passe beaucoup de choses. C'est un concert qui a évolué d'une tournée à l'autre et qui a grandi. J'ai travaillé avec un concepteur australien, Jonathan Zawada, tout le visuel vient de lui et on a travaillé là-dessus ensemble. Il y a de la nouvelle musique, on devrait bien s'amuser ! [...] J'essaie d'interagir avec la foule autant que je joue, je pense que c'est important. Ça fait un bon moment que je tourne - déjà cinq ans -, ça m'a pris un certain temps, mais je me sens plutôt à l'aise sur scène. J'ai aussi des caméras IMAG sur ma table...

Jusqu'à quel point vous permettez-vous de transformer vos chansons en spectacle ? Il y a place à l'improvisation?

Oui, j'ai un grand nombre d'effets, de sons, de l'échantillonnage, des claviers, mais j'ai fait aussi différentes versions des chansons que je combine pour créer quelque chose de neuf.

Venir d'Australie, c'est quelque chose de positif, à tout le moins pour arriver avec quelque chose d'original? Physiquement, vous étiez loin de ces grosses scènes électroniques des États-Unis et vous pouviez arriver avec quelque chose de différent...

Je crois que ça a peut-être aidé, oui. Être éloigné ainsi m'a permis de forger mon propre son. Je passe de plus en plus de temps aux États-Unis maintenant, à Los Angeles. Je crois que c'est important, à tout le moins pour moi, d'avoir mon propre espace créatif. C'est bien de faire partie d'une scène, mais je ne faisais pas vraiment partie d'une scène en Australie. Il n'y avait pas tellement de musique et de clubs, d'où je viens - j'étais un peu éloigné de la ville -, et je crois que ça m'a forcé à arriver avec ma propre vision de ce qui pouvait se passer, plutôt que d'essayer de cadrer dans un son particulier.

C'est impressionnant de voir comment, avec Skin qui n'était que votre deuxième album, vous avez eu accès à une foule d'artistes de renom. Comment avez-vous fait pour les recruter?

C'était un processus, c'est sûr! J'ai écrit plein de démos, d'idées, et je n'avais jamais travaillé avec autant de gens auparavant. J'ai fait un voyage à Los Angeles et je cherchais des artistes avec lesquels collaborer et auxquels je pourrais montrer mes idées. Quand j'ai fait ce voyage, c'était pour une durée de trois mois. C'est à ce moment que j'ai rencontré Beck, Vince Staples, Tove Lo, Kai. Je me suis présenté, j'ai rencontré ces gens, on est allés en studio et voilà comment ça s'est produit!

Durant la création, vous avez senti la pression du deuxième album, que vous avez combattu par la méditation. Voilà quelque chose qu'on entendrait plus de la part d'un artiste nouvel âge que d'un artiste électro ! Vous pouvez m'en dire davantage?

Oui, je crois que je me suis mis beaucoup de pression après le premier album. J'ai pris un temps d'arrêt et je m'y suis plongé ensuite. C'était un peu épeurant d'écrire tout ça... Je crois que le truc avec la créativité, c'est que vous montez toujours la barre à la hauteur de la dernière chose que vous avez faite. Et c'est difficile de toujours écrire des choses qui sont bonnes. Parfois, ce n'est pas accessible et ça ne fonctionne pas. Je pense que parfois, quand j'essayais d'écrire et que ça ne sortait pas de manière formidable, ça me déprimait. Alors pour vivre avec ça, j'ai commencé à méditer et j'ai découvert que c'était une manière vraiment utile de sortir de ma propre tête. Ça m'a vraiment aidé et je continue de le faire.

Par le passé, vous avez remixé plein d'artistes, d'Arcade Fire à Lorde. C'est quelque chose qui vous intéresse toujours?

Un peu moins. Les remix que j'ai faits, j'y ai mis beaucoup de temps, pour me les approprier, mais si je fais des remix, je refais quelque 90 % des pistes, donc c'est près d'une pièce originale. Je préfère mettre mon attention sur des pistes originales et collaborer avec d'autres invités.

Skin est un album complexe et varié, qui alterne entre l'expérimentation et la pop. Depuis, vous avez fait paraître deux mini-albums. Pour la suite, vous feriez un album de nouveau ou vous préférez les EP et les simples?

À court terme, je préférerais des simples et des EP, que la musique continue de sortir de manière régulière et à plus petites doses. Un album? Sûrement un jour ou l'autre, mais pas pour l'instant.

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Flume, sur les plaines d'Abraham, ce soir, 22 h 15.