Certes l'un des plus grands pianistes d'ici, toutes époques confondues, le Montréalais d'origine Marc-André Hamelin se produit à quatre reprises en saison estivale au Québec: deux soirs consécutifs au Festival Orford Musique ce week-end, et deux de plus au Festival de Lanaudière le week-end prochain. Joint au Colorado, il a accepté de commenter les quatre programmes auxquels il est associé.

Festival Orford Musique

Salle Gilles-Lefebvre, ce soir, 20 h

Ce soir même, Marc-André Hamelin sera seul au piano pour y interpréter ces oeuvres au programme.

Marc-André Hamelin, Pavane variée 

«On m'avait demandé d'écrire cette pièce pour le Concours international de musique de l'ARD (Internationaler Musikwettbewerb der ARD) qui se tient à Munich. Cette pièce de 11 minutes consiste en une série de variations, basées sur une pavane intitulée Belle qui tient ma vie, soit l'une des chansons les plus célèbres de la Renaissance. Ce thème très beau est soumis à des transformations qui sont assez loin de son caractère. Je compose, oui, mais ça reste très secondaire dans ma pratique; je suis d'abord un pianiste.»

Franz Liszt, Bénédiction de Dieu dans la solitude et Fantaisie et fugue sur un thème B-A-C-H

«Les deux pièces de Liszt sont très différentes. La première s'inspire d'un texte tiré d'un recueil de Lamartine: Harmonies poétiques et religieuses. Quant à la Fantaisie et fugue sur un thème B-A-C-H, il s'agit d'une pièce pour orgue transcrite pour piano, qui se fonde sur la transposition des lettres du nom de [Jean-Sébastien] Bach, qui en allemand correspond à si bémol, la, do, si bécarre. Ce petit motif fut utilisé par beaucoup de compositeurs, Bach le premier.»

Franz Schubert, Quatre impromptus, D. 935

«Schubert est un compositeur que j'ai découvert relativement tard dans ma carrière. Il y a une vingtaine d'années, j'ai commencé à jouer sa Sonate en si bémol majeur, qui est l'une de ses oeuvres les plus remarquables et les plus achevées, mais... pour ce qui est du reste, il a fallu que ça attende un peu. Je ne le regrette pas, mais aujourd'hui, jouer la musique de Schubert me procure un plaisir inlassable.»

Festival Orford Musique

Salle Gilles-Lefebvre, demain, 20 h

Marc-André Hamelin s'associe au Kuss Quartet, un ensemble berlinois dont la réputation ne cesse de grandir. Le quatuor à cordes interprétera le premier quatuor Rasumovsky de Beethoven dans ce même programme de samedi.

Johannes Brahms, Quintette en fa mineur

«J'ai entendu beaucoup d'éloges à propos du Kuss Quartet avec lequel je n'ai jamais joué et que je rencontrerai pour la première fois à Orford. Quant au quintette de Brahms, il existe aussi sous forme de sonate pour deux pianos, on l'écoute beaucoup plus souvent en quintette. C'est une des très grandes oeuvres de Brahms, et lui-même devait y croire fermement, car il voulait l'achever après l'avoir imaginée dans différentes versions.»

Festival de Lanaudière

Amphithéâtre Fernand-Lindsay, le 21 juillet, 20 h 

Marc-André Hamelin offre un second récital au Québec cet été, cette fois au Festival de Lanaudière. Au programme: Haydn, Feinberg, Beethoven, Schumann.

Joseph Haydn, Sonate en do majeur, Hob. XVI: 48

«Haydn est un compositeur que j'aime beaucoup et dont j'ai enregistré plusieurs oeuvres sous étiquette Hyperion. Haydn m'a toujours plu, car il pouvait compter sur une très grande diversité de langages; il n'avait pas peur de tout exprimer, du lyrisme à la presque vulgarité, et tout ce qui se trouve entre les deux ! Pour ouvrir un récital, je trouve qu'il est vraiment parfait.»

Samuel Feinberg, Sonate no 2 en la mineur, op. 2 et Sonate no 1 en la majeur, op. 1

«C'est la grande rareté de ce récital. Feinberg (1890-1962) était un pianiste, un compositeur et un pédagogue. On s'en souvient surtout comme professeur au Conservatoire de Moscou, quoiqu'il ait laissé une oeuvre assez substantielle en tant que compositeur. Il fut aussi parmi les premiers à enregistrer Le clavier bien tempéré de Bach. Le langage de ses deux sonates au programme est assez influencé par Scriabine. À partir de sa 4sonate, cependant, son langage devient très personnel.»

Ludwig van Beethoven, Sonate no 23 en fa mineur, op. 57 (Appassionata)

«Cette sonate est l'une des plus grandes de Beethoven. Chacune de ses sonates, il faut dire, a ses propres qualités, aucune n'est faible. Celle-ci est l'une parmi les plus jouées, elle a une énorme force de caractère, aussi beaucoup de lyrisme et de passion. À noter que le sobriquet Appassionata n'a pas été donné par Beethoven.»

Robert Schumann, Fantaisie, op. 17

«C'est la plus grande oeuvre de Schumann pour le piano. Elle recèle beaucoup de mystère apparemment, elle contiendrait un langage codé qui ne nous a jamais été révélé. On sait qu'il a écrit cette oeuvre en pensant surtout à Clara Schumann. À la fin du premier mouvement, d'ailleurs, il cite un thème qui figure dans un cycle de lieder de Beethoven, intitulé À la Bien-aimée lointaine, alors... À l'origine, cette pièce était dédiée à Liszt, elle est aussi un hommage à Beethoven, partiellement du moins.»

Festival de Lanaudière

Amphithéâtre Fernand-Lindsay, le 22 juillet, 20 h

Sous la direction de Mathieu Lussier, l'Orchestre Métropolitain présentera d'abord l'ouverture de La flûte enchantée et la Symphonie no 41 (Jupiter) de Mozart. En deuxième partie, Marc-André Hamelin se joindra à l'OM.

Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano no 5 en mi bémol majeur, op. 73 (Empereur)

«Fait à noter, on appelle ce concerto Empereur seulement en Amérique du Nord; en Angleterre comme en Europe continentale, on le nomme Concerto pour piano n5, tout simplement. C'est une oeuvre toujours appréciée du public, car elle est majestueuse, pourvue d'un grand optimisme. La jouer procure un immense plaisir, non seulement pour le pianiste, mais aussi pour l'orchestre. Et je suis ravi de travailler de nouveau avec Mathieu Lussier, avec qui j'ai tourné aux États-Unis avec Les Violons du Roy. Très grand plaisir partagé.»