Un hasard, sans doute, ces variations sur le chiffre 3 qui peuplaient ce concert. Celui-ci marquait la troisième et dernière apparition de Ronald Brautigam, de retour à Lanaudière après ses débuts il y a trois ans. Le pianiste néerlandais jouait cette fois le troisième Concerto de Beethoven. Bernard Labadie et les Violons du Roy, qui l'encadraient, complétaient le programme avec la Symphonie no 33 de Mozart et la Symphonie no 103 de Haydn. Les trois compositeurs représentés forment d'ailleurs le triumvirat central de la première... école de Vienne.

Le Beethoven a confirmé, chez Ronald Brautigam, des qualités de musicien et d'interprète d'un tel niveau qu'elles font paraître comme accessoires les qualités pourtant égales de pianiste. Avec lui, le pianiste sert essentiellement l'interprète, c'est-à-dire, en fin de compte, l'oeuvre.

Le troisième Concerto se déroule dans un mouvement vif et naturel qui s'arrête, à mi-chemin, à cette oasis de paix qu'est le Largo central. Beethoven l'a connu ainsi et c'est ainsi que le pianiste l'a rendu. Les doigts alertes, magnifiés par les écrans géants, se sont presque immobilisés pour plaquer les graves accords sur lesquels s'ouvre le Largo très attendu. Le pianiste est alors entré dans un univers d'une indicible profondeur, entraînant avec lui l'auditoire silencieux et comme hypnotisé.

Pas un bruit, rien que le son du piano et des instruments qui l'entouraient. On comptait pourtant là 3700 personnes. Toutes venaient de vivre ce miracle de l'interprétation où l'on semble découvrir ce qu'on a pourtant entendu un nombre incalculable de fois.

Ce qui précédait et suivait était plus ordinaire, mais, dans ces deux cas, les oeuvres sont en cause. Le numéro 33 de Mozart et le numéro 103 de Haydn sont, en comparaison du Beethoven, des oeuvres d'abord virtuoses. Comme toujours, Labadie a dirigé avec énergie et nuance, il a fait toutes les reprises, même celles qu'on ne fait pas, et son orchestre lui a répondu avec empressement. L'acoustique transparente de l'Amphithéâtre a reproduit un ou deux petits flottements. Rien de grave.

Pour ce concert, l'orchestre au vibrato réduit était augmenté à 38 musiciens. Mention toute spéciale au timbalier dont le saisissant roulement (entendu deux fois) justifiait comme jamais le surnom donné à cette onzième des 12 symphonies de Haydn dites de Londres.

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Les Violons Du Roy. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Soliste: Ronald Brautigam, pianiste. Samedi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette.