En même temps qu'il y faisait ses débuts, Stéphane Tétreault a été sans discussion possible le héros du concert monté au Festival de Lanaudière en hommage au centenaire de Benjamin Britten. La direction lui avait confié la rare Symphony for Cello, dont l'immense Rostropovitch fut à la fois le destinataire, le dédicataire et le créateur en 1964.

Peu connue, peu jouée et peu enregistrée, parce que trop difficile pour le soliste, rébarbative aussi pour le public, au surplus jamais entendue ici, l'oeuvre est en fait un très long concerto en quatre mouvements où le soliste se voit non seulement sollicité presque sans répit pendant 40 minutes mais confronté le plus souvent à un orchestre considérable que dominent des timbales agressives et même une trompette qui semble vouloir lui couper la parole après sa cadence.   

Le jeune violoncelliste était suivi au quart de seconde par le chef Jean-Marie Zeitouni vers lequel il lançait des regards que les écrans géants magnifiaient en ceux du désespoir - bien à tort, car Tétreault avait prudemment placé devant lui la partition, qu'il ne regardait guère, l'ayant manifestement travaillée en profondeur et depuis longtemps. En même temps qu'ils transforment tout en grimaces, ces écrans géants permirent au grand public de voir enfin de près le précieux Stradivarius qu'une mécène locale, connue et adorée de tous, a mis entre les mains du frêle violoncelliste qui, à 20 ans, est non seulement un technicien parfaitement accompli mais encore, et surtout, un interprète de génie.   

L'expression qui se lisait sur son visage et l'expression qu'il donnait à la sonorité de son violoncelle se confondaient en une seule et même réalité absolument troublante. Comme devenu quelqu'un d'autre, transfiguré par la musique, Stéphane Tétreault a porté l'oeuvre de Britten à un degré d'éloquence que Rostropovitch lui-même n'a pas tout à fait atteint. À 20 ans, cela fait peur. Parce qu'en plus de jouer le Britten comme personne, le garçon en parle avec à la fois la plus profonde introspection et les mots les plus quotidiens.   

De toute évidence, Zeitouni et l'Orchestre du Festival (formé de musiciens de l'OSM, de l'OM et d'ailleurs) avaient surtout travaillé le Britten. Le reste fut quand même d'une bonne tenue. La masse des cordes, avec tintements de cloches, a bien rendu la courte pièce à effet d'Arvo Pärt. Il manquait aux Interludes de l'opéra Peter Grimes et aux Pini di Roma le parfait fondu d'un orchestre autonome, mais l'ambiance y était.   

ORCHESTRE DU FESTIVAL. Chef invité: Jean-Marie Zeitouni. Soliste: Stéphane Tétreault, violoncelliste. Samedi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay, de Joliette. Dans le cadre du 36e Festival de Lanaudière.

Programme: Cantus in memoriam Benjamin Britten (1977) - Pärt Symphony for Cello and Orchestra, op. 68 (1964) - Britten Four Sea Interludes, op. 33a, de l'opéra Peter Grimes (1945) - Britten Pini di Roma (1924) - Respighi