L'immense et touchante présence de Viktoria Postnikova, d'abord au piano, ensuite plus grande que nature grâce aux écrans géants de l'Amphithéâtre (même si celui de gauche était mystérieusement éteint!), est le plus beau souvenir qu'on rapporte du concert de l'Orchestre Symphonique de Montréal vendredi soir au Festival de Lanaudière.

Ce premier des deux concerts de l'OSM inscrits cet été à Joliette était confié au chef russe Gennady Rozhdestvensky (ou Rojdestvenski, selon la plus exacte translittération française). Tout comme à la salle Wilfrid-Pelletier en 2008 et en bien d'autres circonstances, le chef invité avait ménagé une place à son épouse et partenaire de longue date. Lui: 80 ans. Elle: 67. Et tous deux encore solides comme le roc!

Chose étonnante, les noms de l'OSM et des deux illustres visiteurs, avec Rachmaninov et Tchaïkovsky au programme, n'avaient attiré que 4000 personnes environ.

Dirigeant, comme toujours, sans podium, c'est-à-dire au même niveau que l'orchestre, le chef invité commença le concert par l'Ouverture sur des thèmes juifs -ou Ewreiskaya Ouvertura- de Prokofiev. Il avait choisi, bien sûr, la version orchestrale de cette pièce écrite à l'origine pour clarinette, quatuor à cordes et piano. Agréable entrée en matière, sans plus.

Venait ensuite la Rhapsodie sur un thème de Paganini, la cinquième et dernière des grandes oeuvres pour piano et orchestre de Rachmaninov.

La pianiste se fit attendre pendant d'interminables minutes. Elle parut enfin, en somptueuse robe rouge, et traversa les 24 variations avec une étonnante autorité: technique sans faille, force pianistique, finesse du jeu, beauté du son, imagination. Chacune des variations retrouvait ainsi sa personnalité, la pianiste soulignant comme peu savent le faire la gravité de certaines d'entre elles.

En plus-value, les écrans géants reproduisaient toutes les subtilités du mécanisme pianistique et toutes les expressions du beau visage de babouchka entièrement concentré sur le clavier. Chef et orchestre suivirent la pianiste avec précision.

La quatrième Symphonie de Tchaïkovsky, qui occupait l'après-entracte, ne reçut pas exactement le même soin. Rozhdestvensky a une technique de direction assez particulière. Il fait peu de gestes, lance des indications indifféremment avec ou sans baguette, s'arrête parfois complètement, exprime ses souhaits par un air attristé ou par un sourire, termine le Scherzo dans un rapide mouvement des deux mains derrière le dos, comme s'il laissait le dernier mot aux musiciens.

Pour l'ensemble, ce fut une bonne lecture. Et lecture il y eut. On s'étonne en effet que le chef octogénaire tourne encore les pages de sa partition, lui qui a certainement dirigé cette musique des centaines de fois. De toute évidence, il a demandé le maximum aux trompettes et aux trombones (tous irréprochables), négligeant un peu les cordes et les bois, ignorant même l'aspect caressant de l'Andantino.    

Résultat : une exécution déséquilibrée et marquée de quelques imperfections. Au fond, peu importe: la présence de Viktoria Postnikova valait la soirée entière.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL.

Chef invité: Gennady Rozhdestvensky.

Soliste: Viktoria Postnikova, pianiste.

Vendredi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 34e Festival de Lanaudière.

Programme:

Ouverture sur des thèmes juifs, op. 34b (1919-1934) - Prokofiev

Rhapsodie sur un thème de Paganini, pour piano et orchestre, op. 43 (1934) - Rachmaninov

Symphonie no 4, en fa mineur, op. 36 (1877-78) - Tchaïkovsky