Le deuxième et dernier concert de l'Orchestre Symphonique de Pittsburgh et son chef Manfred Honeck, hier soir à l'Amphithéâtre de Lanaudière, fut aussi impressionnant que le premier, la veille. La musique germanique y occupait de nouveau toute la place, chose bien normale puisque la tradition de cet orchestre plus que centenaire est ancrée dans ce répertoire.

L'auditoire était, comme le soir précédent, d'environ 4 000 personnes. Cette fois, à cause de l'humidité qu'il faisait là-bas, les musiciens jouaient en chemise (le blanc étant de rigueur, bien sûr).

Wagner ouvre le concert avec le Prélude de Lohengrin. Violons en divisi et en harmoniques établissent immédiatement une enveloppante atmosphère de paix que le chef maintiendra jusqu'à la fin. Son contrôle sur tout l'orchestre est absolu et la douceur qui habite les dernières mesures appartient au domaine de l'inexprimable.

Sautant à l'autre extrême, le Don Juan de Richard Strauss démarre à une force et une vitesse qui coupent le souffle. Aiguillonnant son orchestre sans relâche, Honeck brosse du légendaire séducteur un portrait cependant trop uniforme. À mi-chemin du parcours, Strauss fait apparaître Donna Anna sous les traits du hautbois-solo, auquel il prescrit un jeu «ausdrucksvoll», c'est-à-dire expressif. Le chef ne souligne pas suffisamment cet épisode de tendresse et concentre tous ses efforts sur les escapades du héros transformé ici en grand frère de Till l'espiègle.

Mais, comme telle, l'exécution de l'orchestre reste absolument prodigieuse. Je n'ai jamais entendu un Don Juan aussi déchaîné et aussi bruyant; je dirais même que l'Amphithéâtre n'a jamais été autant «secoué»! Les cuivres de Pittsburgh ont pris ici la vedette, éclaboussant tout, autour d'eux, avec une puissance, un éclat et une précision que n'ont pas, il faut bien le reconnaître, leurs pendants de l'OSM.

L'orchestre retrouve son équilibre sonore après l'entracte dans la première Symphonie de Mahler. Manfred Honeck est Autrichien et il apporte une sorte de «charme viennois» à cette musique; en même temps, il prend plaisir à souligner les timbres souvent étranges qu'y multiplie Mahler et auxquels l'acoustique de l'Amphithéâtre confère un incroyable relief. La fureur avec laquelle éclate le finale rejoint ce qu'on a vécu dans Don Juan. Vers la fin, on est comme dans un rêve. Soudain, les sept cornistes se lèvent tout en continuant de jouer, comme le demande la partition.

L'auditoire se lève à son tour et ovationne chef et orchestre. Deux rappels suivent sans tarder : Die Libelle («La Libellule»), une polka-mazurka de Josef Strauss, frère du célèbre Johann II, et une valse du Rosenkavalier d'un autre Strauss, Richard, l'auteur de Don Juan, et sans lien de parenté.

Détail historique intéressant, les deux oeuvres majeures du programme furent créées sous la direction de leurs auteurs en novembre 1889, à quelques jours d'intervalle : Strauss dirigea son Don Juan le 11 à Weimar et Mahler dirigea sa première Symphonie le 20 à Budapest.

Sans vouloir mettre en cause le programme Beethoven du premier soir et celui d'hier, qui étaient tous deux parfaitement défendables, on peut regretter que le chef n'ait pas songé à une oeuvre américaine... ou encore à la Pittsburgh Symphony de Hindemith, oeuvre à effet, et fort accessible, de 1958.

PITTSBURGH SYMPHONY ORCHESTRA. Chef d'orchestre : Manfred Honeck. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.

Programme

Prélude de Lohengrin (1850) - Wagner

Don Juan, poème symphonique, op. 20 (1888) - Strauss

Symphonie no 1, en ré majeur (1884-88) - Mahler