Sur la foi de ce qu'on a entendu hier soir à l'Amphithéâtre de Lanaudière, on ne peut pas dire que l'Orchestre Symphonique de Pittsburgh est supérieur à l'Orchestre Symphonique de Montréal.

Pourtant, il existe entre les deux formations, aux effectifs presque égaux (environ 100 musiciens), une différence énorme qui peut se résumer en quelques mots: on souhaiterait pour l'OSM un chef ayant la présence, l'énergie, l'intensité et le charisme de Manfred Honeck, cet Autrichien de 51 ans qui dirige le Pittsburgh depuis deux ans.

La visite de l'orchestre américain à Lanaudière est certainement l'événement numéro 1 de la saison estivale québécoise, tous festivals confondus. Pittsburgh donne ce soir un deuxième concert à l'Amphithéâtre, avec Wagner, Richard Strauss et Mahler au programme. Hier soir, c'était un tout-Beethoven. Malgré le mauvais temps, il y avait là quelque 4 000 personnes, sous la partie couverte et ... sous les parapluies.

En simple complet noir contrastant avec les vestons blancs de ses musiciens, Manfred Honeck, dans un premier geste, empoigne l'orchestre entier avec une force redoutable et lance le concert sur un palpitant Coriolan. Cordes, bois, cuivres, timbales: dans l'acoustique immaculée de l'Amphithéâtre, tout sonne magistralement.

Valentina Lisitsa, la blonde pianiste ukrainienne de 40 ans qui en est à son troisième été à Lanaudière, prend ensuite la vedette dans l'Empereur, le cinquième et dernier concerto de Beethoven. Elle presse un peu ici et là, mais l'accord avec l'orchestre est vite rétabli. (Soliste et orchestre ont répété à Pittsburgh même avant de se retrouver à Lanaudière.) Pour l'ensemble: un Beethoven pianistiquement très en place, à la fois éloquent et intérieur, et un dialogue terminal piano-timbales détaillé comme il ne l'est jamais à Wilfrid-Pelletier.

Mme Lisitsa jouait sur un piano de la marque allemande Steingraeber & Söhne, fondée en 1852. L'instrument au son particulièrement chaleureux a été importé de Floride à la demande de la pianiste, qui le reprendra à ses récitals des 2 et 5 août, également à Lanaudière.

L'après-entracte est monopolisé par les 45 minutes d'une septième Symphonie jouée avec toutes les reprises, ces 45 minutes incluant hélas! les inutiles applaudissements qui claquent entre les mouvements. C'est la plus audacieuse, la plus moderne, en fait la plus folle des neuf symphonies de Beethoven, et Honeck la restitue dans sa pleine dimension: trépidante, explosive, dissonante.

L'ovation est en accord: délirante. Le chef cabotine un peu avant d'attaquer un rappel : Matin, premier morceau du Peer Gynt de Grieg. La foule insiste et obtient une Danse hongroise de Brahms (mais ne me demandez pas laquelle!).

Au début du concert, le directeur général du Festival, François Bédard, a fait lever une Québécoise membre de l'orchestre, l'altiste Marylène Gingras-Roy, qui étudia au Camp musical du père Lindsay.

Je mentionnais en chronique mardi dernier que l'Orchestre de Pittsburgh était venu à Montréal en 1940 et en 1980. L'infatigable historienne Mireille Barrière a retracé un concert dès 1904, le 8 février, salle Windsor. Dirigé par son chef à l'époque, Victor Herbert, le célèbre compositeur d'opérettes, l'orchestre avait joué la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak.

Dans un autre ordre d'idées, des musiciens m'ont confirmé l'existence au sein de leur orchestre de «prayer groups». Avant chaque concert, le chef réunit quelques musiciens pour une prière. Présentement, une douzaine de musiciens suivent le rituel. «Personne n'est forcé d'y participer: chacun est libre», précise un musicien.

Enfin, les 4 000 personnes présentes hier soir voudront certainement se joindre à moi pour remercier cordialement ce charmant voisin de l'Amphithéâtre (voisin éloigné, mais voisin quand même) qui a laissé son chien aboyer pendant une bonne partie du concert.

PITTSBURGH SYMPHONY ORCHESTRA. Chef d'orchestre: Manfred Honeck. Soliste: Valentina Lisitsa, pianiste. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Ouverture Coriolan, op. 62 (1807)

Concerto pour piano et orchestre no 5, en mi bémol majeur, op. 73 ( Empereur ) (1809-10)

Symphonie no 7, en la majeur, op. 92 (1812-13)