Participant hier soir à l'intégrale Chopin du Festival de Lanaudière, Edna Stern appartient à cette nouvelle catégorie de pianistes qui possèdent les moyens techniques requis pour accomplir de grandes choses mais desservent l'art musical en introduisant dans leur discours toutes sortes de maniérismes, rallentandos principalement, que leurs auditeurs prennent pour de la profondeur.

Ce tripatouillage s'est manifesté dès l'instant où la frêle jeune femme de 33 ans a posé les mains sur le clavier, c'est-à-dire aux toutes premières mesures du Nocturne op. 37 no 1. L'agaçante manie a ensuite accompagné presque chaque pièce du programme. La liste des irrégularités serait interminable.D'autres problèmes s'ajoutèrent au malaise: la forte réverbération de l'église de Saint-Sulpice pourtant remplie, un piano qui commença à perdre son accord vers la fin, et l'obscurité dans laquelle on plongea le lieu après l'entracte.

Lanaudière rejoint donc ici l'«obscur» OSM. La noirceur empêche de lire les notes de programme -- ce n'est donc pas la peine de les imprimer! -- et empêche même de savoir à quelle pièce ou à quel mouvement on en est. Ce qui explique sans doute cette confusion dans les applaudissements qui suivit l'entracte. Ainsi, on est passé en silence du Prélude op. 45 à la Sonate op. 35 et, tout à coup, on s'est mis à applaudir après le premier mouvement -- terminé, il est vrai, en tintamarre.

La pianiste a fait quelques fautes, elle a même omis quelques notes, mais cela n'a aucune importance dans le présent contexte. Le seul détail intéressant que je retiens du récital entier est ce crescendo dramatique qu'elle établit dans la célèbre Marche funèbre, troisième mouvement de la Sonate op. 35.

Je n'arrive pas à croire ce que je lis dans le programme: que la nouvelle venue a étudié avec le très rigoureux Leon Fleisher et qu'elle enseigne elle-même le piano.

Pour des raisons inconnues, elle remplaça la Valse op. 42 par la Valse op. 64 no 2 et ajouta ensuite le Prélude op. 28 no 20. Mais elle ne précisa pas que, pour la Valse op. 70 no 2, elle avait choisi la variante, où la pièce s'arrête à mi-chemin. Elle annonça deux rappels, toujours de Chopin: la première des Trois Nouvelles Études et la Mazurka op. 63 no 3.

EDNA STERN, pianiste. Hier soir, Église de Saint-Sulpice. OEuvres de Chopin. Dans le cadre du 33e Festival de Lanaudière.