Ainsi donc, un nouvel ensemble de jazz était présenté hier au Monument-National. À l'origine un quartette, cet ensemble était enrichi d'une personnalité, et non la moindre: Riverside marquait le retour de Carla Bley sur une scène montréalaise, de surcroît avec deux Montréalais au sein de cette excellente formation canado-américaine, soit le clarinettiste et saxophoniste Chet Doxas et le batteur Jim Doxas, auxquels se joignaient le grand bassiste électrique Steve Swallow et le trompettiste Dave Douglas, soit l'un des musiciens de jazz les plus influents des dernières décennies.

Au piano, Carla Bley est une musicienne de peu de notes, mais la brillante octogénaire (incroyable, mais vrai!) sait ce qu'il faut dire au moment opportun, et ce, sans outrepasser les limites de son jeu. Sa grande force artistique réside plutôt dans la composition, la singularité des impros, la finesse des arrangements, la qualité de l'interaction avec ses collègues. Voilà pourquoi les meilleurs instrumentistes la respectent au plus haut point et ont tant aimé travailler au sein de ses orchestres.

Cette approche succincte de Carla Bley fonctionne parfaitement avec les lignes duveteuses de son bassiste de mari, ce qui produit un contraste intéressant avec le son éclatant, extraverti, du trompettiste Dave Douglas. De leur côté, les impeccables frères Doxas oscillent entre le calme et l'intensité, l'équilibre est ainsi atteint au sein du quintette. Saine cohabitation des énergies, des âges, des personnalités.

Le récent album The New National Anthem, second projet de Riverside lancé cinq ans après la fondation du groupe, était le point de départ de cette nouvelle aventure, mais... une vaste part de la matière au programme d'hier était inédite, vu les nouvelles perspectives offertes par le quintette.

Et comme l'indiquait Dave Douglas en interview, chacun a formulé des propositions susceptibles d'exciter Carla Bley, pour ne pas dire dans l'esprit de son univers compositionnel: profondeur, sensibilité, vulnérabilité, lucidité, humour, espièglerie, candeur ou cynisme politique étaient remarquables dans ces musiques inédites, mises en lumière dans ce programme de jazz transgénérationnel.

Somme toute très actuel, très beau, très pertinent.