Qualifier Médéric Collignon d'hypercatif tient de l'euphémisme. Jeudi soir à l'Astral, le cornettiste français a multiplié les solos de son instrument à pistons dans compter une pléthore de borborygmes, jeux syllabiques, brassages de gorge, vrombissements de babines, blagues absurdes et autres mitrailles de l'expression.

Qui plus est, les filtres électroniques dont il a fait usage, pour son instrument comme pour son propre organe vocal, en ont étoffé l'expression étourdissante. On le devine, certains n'y auront vu que badineries, passages du coq à l'âne, cabotinage, excès, prolixité. Vraiment? Le souffleur peut effectivement s'avérer essoufflant voire difficile à supporter, on ne peut néanmoins en nier les éclairs d'inspiration et la ferveur jazzisitique. Un vrai de vrai, à n'en point douter.

Le prétexte de cette prise de contact avec le cornettiste (en tant que leader) et ses musiciens (Frank Woeste, Fender Rhodes, Frédéric Chiffoleau, contrebasse, Philippe Gleize, batterie), fier improvisateur devant l'éternel, était une chaude évocation de Miles Davis, période 1968-1975. L'heure et demie passée à l'Astral peut se résumer par une série de très longs grooves évoquant cette période de Miles qui ne cesse de gagner en importance dans l'histoire du jazz.

Alors? Impressions mixtes. Autant certains moments s'avèrent denses et imaginatifs, autant on peut constater la puissance du jeu de Médéric Collignon et la soudure de son quartette, autant certaines séquences traînent en longueur et manquent de densité conceptuelle. Cela dit, on garde une impression très positive de cet animal hilare, virtuose dont la folie heureuse peut aussi se canaliser en très grande subtilité - en témoignent les passages superbement arrangés de l'album Shangri Tunkashi-La... qu'on aimerait bien entendre aux prochaines escales montréalaises du cornettiste français.

Encore Miles, donc?

Difficile de passer sous silence cette relative redondance des concepts inspirés du cat des cats au grand festival montréalais. Lundi dernier au Théâtre Maisonneuve, une heure passée à l'écoute d'un concert intitulé Miles Smiles et qui, somme toute, était beaucoup plus connecté aux années 80 du défunt trompettiste, mène à ce constat.

Rappelons qu'on y présentait d'ex-sidemen ou virtuoses admirateurs de Miles Davis qui, franchement, n'avaient pas grand-chose à rajouter par rapport à ce qui a été dit à maintes occasions. Ainsi, le trompettiste Wallace Roney, le saxophoniste Bill Evans, le guitariste Larry Coryell, le bassiste Darryl Jones, le batteur Omar Hakim et l'organiste Joey de Francesco nous ont offert une performance trop facile, sans direction artistique rigoureuse et... sans vraiment faire revivre l'album Miles Smiles, cet opus magistral créé en 1966, qui nous avait fait découvrir Footprints (Wayne Shorter) et autres Freedom Jazz Dance (Eddie Harris).

Pour les années qui viennent au FIJM, tant qu'à y être, pourrait-on exploiter le legs d'autres monuments que celui de Miles, avec tout le respect qu'on lui doit?