De l'arrière du Club Soda, on entend un son de clochettes. L'artiste traverse lentement le parterre, s'immobilise au beau milieu et se met à chanter a cappella un air qui tient du sacré (A New Morning). Un homme, une voix - mais quelle voix! L'effet est saisissant et le contact entre Piers Faccini et les spectateurs, direct, immédiat.

Le ton est donné. Ce concert intimiste sera axé sur la proximité entre l'artiste et son public, recueilli. Un concert folk dans ce que cette musique a de plus rassembleur, mais un folk global, planétaire, qui se nourrirait de blues, de rythmes africains et de bien d'autres choses pigées à gauche et à droite. Un folk, surtout, qui ramène à l'essence même des chansons de l'artiste d'origine britannique qui, sur disque, sont plus ornées, mais dont l'énergie sera intacte, superbement servie par le jeu rythmique du guitariste Faccini et la polyvalence de son complice, le batteur italien Simone Prattico.

Le public écoute dans le silence les premières chansons extraites du dernier album My Wilderness auxquelles Faccini et Prattico ont enlevé des pelures pour qu'on en goûte mieux le fruit. La très folk Three Times Betrayed est enrichie d'un fort beau solo de guitare et sa finale, chantée presque a cappella, captive tout autant que sur le disque. Puis, progressivement, malgré le dépouillement apparent, l'évidence frappe: c'est bel et bien à une soirée de musique que nous a convié le Français d'adoption, avec de nombreuses envolées rythmiques qui nous feront oublier qu'ils ne sont que deux sur scène.

Il y a manifestement des fans de la première heure de Piers Faccini dans la salle, qui applaudissent les quatre chansons de son album précédent Two Grains of Sand ainsi que les deux autres qu'il a pigées dans ses premiers albums Leave No Trace (le blues senti d'All the Love in all the World, avec harmonica en prime) et Tearing Sky (If I, sur un rythme d'inspiration africaine). Ils ne se feront pas trop prier pour chanter avec lui A Storm Is Going To Come et Faccini leur répondra à la manière d'un prédicateur.

Pour Montréal, Faccini chantera pour la toute première fois Con toda palabra de Lhasa de Sela, une artiste qu'il regrette de ne pas avoir rencontrée tellement il l'admirait. Il reprendra également, en créole, la chanson Mangé pou le coeur du Réunionnais Alain Péters ainsi que, au rappel, La complainte du partisan, popularisée par Leonard Cohen (The Partisan), et un air populaire napolitain «très joyeux», Cicerenella, pour faire contrepoids à la «très triste» chanson de la Résistance.

Ce concert vraiment pas comme les autres était peut-être un avant-goût de ce que nous réserve Piers Faccini dans son prochain album qu'il veut très intimiste. On a déjà hâte.