«Une patente. Une autre affaire. Un show pas normal», a averti un Serge Denoncourt en béquilles, dans son laïus qui a précédé la première de GRUBB à Montréal.

Les 27 «petits» Roms de cette aventure éducative, humanitaire et artistique qui respire l'amour et la sincérité sont arrivés en rang, d'un pas subtil et rythmé, sur la scène de la salle Pierre-Mercure. Puis, ces talentueux ados artistes qui brûlent les planches se sont lancés dans une chorégraphie de groupe, hybride entre gestes d'inspiration gitane et modernité de vidéoclip.

À l'arrière-plan, un choeur de trompettistes, clarinettistes et autres trombonistes enveloppaient de sonorités chaudes et envoûtantes le récit des Gypsy Roma Urban Balkan Beats.

Chaussés de baskets Converse, habillés en jeans, mais portant aussi les traces d'un héritage lourd de stigmates et de blessures, mais aussi d'une inestimable richesse culturelle, les 27 Roms de ce projet fou de Serge Denoncourt ont tout de suite gagné l'affection d'un public heureux de les rencontrer enfin. De belles têtes, de bons danseurs, et aussi des conteurs fiers qui sont venus jusqu'ici nous parler de leur réalité contemporaine.

Au milieu d'une scène meublée par des pièces de carton se transformant tantôt en maisons, tantôt en voiture, l'équipée de Roms a défait un à un les préjugés et idées fausses les concernant.

Parias d'Europe, persécutés, rejetés des employeurs, taxés d'être des voleurs, des menteurs, des nomades... À travers un exposé un brin didactique des douleurs quotidiennes des Roms, GRUBB est aussi l'épanouissement de réels talents, l'explosion contagieuse de l'énergie et de la volonté de jeunes emblèmes d'une génération aux influences multiples. Le tout sur une musique irrésistible qui nous fait taper du pied et des mains dans une ambiance festive et rassembleuse.

Mise en scène dynamique

Que ce soit dans le gansta rap de l'un, dans les déhanchements arabisants de l'autre, dans les danses de groupe ou les envolées vocales d'un jeune ange qui semble tombé du ciel, GRUBB offre à voir et à entendre l'expérience réelle et complexe de ces ados serbes. Une cohorte inclassable, qui chante la fierté de son peuple, mais qui embrasse aussi son appartenance à une jeunesse «mondialisée» et multiculturelle.

Ne serait-ce que pour sa portée humanitaire, GRUBB se doit d'être vu. Mais au-delà de la noblesse de la cause, il y a surtout le spectacle d'une bande de jeunes gens inspirés, intéressants et captivants dans une mise en scène efficace, jamais statique, qui met en valeur la culture de ceux que l'on nomme les «enfants cartons» et leur très grand et légitime espoir de cheminer vers un avenir meilleur.

Au-delà des préjugés, ils savent fêter, chanter, vivre. Et surtout, ils ont une âme.