Une vingtaine de minutes après le début de son concert très attendu au Théâtre Maisonneuve samedi soir, Milton Nascimento a pointé sa gorge du doigt et a confié: «J'ai un problème, mais je vais faire de mon mieux.»

C'était évident depuis la toute première chanson - ...e a gente sonhando tirée de l'album du même nom paru l'an dernier: l'artiste brésilien éprouvait de la difficulté à maîtriser sa voix incomparable, jadis capable de toutes les acrobaties. Ce n'était peut-être qu'un problème passager, mais Nascimento a semblé accréditer la thèse de l'usure du temps quand il a dédié Nos bailes da vida aux musiciens capables de jouer pendant toute une nuit comme il le faisait jadis et qu'il a ajouté: «Je n'avais pas ces problèmes à l'époque.»

Milton Nascimento n'est plus l'homme dans la jeune cinquantaine qu'on a applaudi au Forum en 1994. Il a 68 ans et on lui en donnerait davantage en le voyant s'avancer d'un pas hésitant sur la scène. Vers la fin de ce concert de 90 minutes, il s'est même permis un moment de répit en chantant Ponta de areia assis sur un tabouret. Pourtant, l'instant d'après, il s'est levé et a esquissé quelques pas de danse.

Milton Nascimento est un battant. Cette voix qu'il a, tantôt chaude, tantôt haut perchée, et qui est un instrument à part entière, il la pousse malgré tout, au risque qu'elle déraille ou se brise. Plus souvent qu'autrement, il réussit et le public l'applaudit. Ce n'est pas la fébrilité des grands soirs, mais on sent chez ce public un profond respect doublé d'une réelle admiration pour cet orfèvre de la musique.

Milton Nascimento n'est pas qu'un grand chanteur, c'est aussi, et peut-être surtout, un compositeur de génie qui passe sans effort apparent d'une ballade instantanément mémorable à un blues ou une chanson jazzée à saveur brésilienne. Il nous a tous surpris avec cette chanson pour sa mère -une mission impossible tellement rien ne peut approcher sa beauté, a-t-il dit- qui tenait presque du rock progressif. Les quatre musiciens qui l'accompagnaient le suivaient au doigt et à l'oeil à travers les divers paysages musicaux où il nous entraînait et que l'on pourrait regrouper sous le vocable de chanson populaire dans le sens le plus noble, et universel, du terme.

Au rappel, le public lui a réclamé la joyeuse Maria, Maria et Nascimento a acquiescé après un petit conciliabule avec son guitariste. Les spectateurs se sont levés, ont tapé des mains et ont chanté avec l'artiste et ses musiciens.

C'était sans doute la plus belle fin qu'on puisse souhaiter.