En 2004, l'Islandais Ólafur Arnalds a composé et enregistré deux pièces de l'album Antigone pour le groupe deathcore allemand Heaven Shall Burn. Il était lui-même batteur de métal/hardcore et composait à ses heures. Une maquette soumise au groupe germanique lui valut cette proposition avec des parties de piano et de cordes. Vu le succès de l'album Antigone sur la planète métal, il fut contacté afin de concocter un album complet.

Ólafur Arnalds était lancé : sous étiquette Erased Tapes, l'opus Eulogy for Evolution connut un franc succès au tournant de 2007. Depuis lors, Arnalds s'est avéré prolifique, son rayonnement n'a cessé de croître ; en témoignent ses nombreux enregistrements - Dyad 1909, Another Happy Day, Living Room Songs, Island Songs, etc. On le situe parmi ces compositeurs de transition mélomane, évoluant entre la pop de création et la musique contemporaine de tradition classique, à l'instar de Nils Frahm ou de notre Jean-Michel Blais, avec qui il partagera un programme présenté au FIJM.

La musique d'Ólafur Arnalds comporte des éléments de composition post-minimaliste, s'inspire aussi du chant choral contemporain. On y repère des procédés compositionnels comparables à Arvo Pärt, Thomas Adès, John Tavener, Krysztof Penderecki, Henryk Gorecki et Pēteris Vasks, procédés auxquels il juxtapose des éléments de culture populaire de son époque.

« Au départ, je ne connaissais tout simplement rien, je n'essayais pas de faire quelque chose de neuf. J'avais commencé par imiter. Par exemple, j'essayais de comprendre la musique d'Arvo Pärt et d'en reprendre les façons de faire. C'est ainsi qu'on apprend, tout en cheminant vers un langage qui nous appartient », explique-t-il lorsque joint à Chicago, escale d'une tournée nord-américaine, incluant Montréal.

COMPOSITEUR AUTODIDACTE

Ólafur Arnalds est un compositeur autodidacte, il y voit un avantage. « J'avais commencé à étudier la composition en Islande, et j'ai abandonné l'établissement d'enseignement où j'étais inscrit. Plus tard, ma différence artistique s'est fort possiblement révélée parce que je n'avais pas de formation scolaire. Je viens aussi du rock, de la pop et de la musique électronique, ces influences sont aussi importantes que celles de la musique classique. Or, lorsque j'ai amorcé ces études de musique, tout était très classique ; le reste n'était pas, ou si peu, pris en compte. »

Les cordes acoustiques et le piano sont souvent présents dans la musique d'Ólafur Arnalds, mais aussi les synthétiseurs et les machines lui permettant d'étoffer sa proposition texturale.

« Contrairement à ce qu'on m'apprenait à l'académie de musique, fait-il observer, les gens qui apprennent la composition aujourd'hui apprennent aussi à gérer des logiciels. Ils doivent maîtriser la prise de son, le mixage et la constitution de banques de sons électroniques. Ils sont donc plus enclins à utiliser ces outils de création dans leurs oeuvres. C'est précisément de là que je viens : en plus de jouer dans des formations rock, je gagnais ma vie en tant qu'ingénieur du son avant d'être compositeur et leader d'orchestre. » 

« J'ai toujours composé dans cette perspective ; pour moi, le son importe autant que la mélodie ou l'harmonie. »

- Ólafur Arnalds

Peu enclin à intellectualiser la progression de son langage compositionnel, notre interviewé se limite à des considérations générales. 

« Depuis mon premier album, j'ai grandi. J'ai traversé des périodes où je sentais devoir exprimer des idées plus considérables, des émotions plus fortes à travers des musiques ambitieuses et complexes. Puis j'ai réalisé que la simplicité pouvait produire un impact émotionnel aussi grand. J'ai donc choisi d'exploiter tout le spectre des possibilités entre la simplicité et la complexité. Tout dépend où se trouve mon esprit au moment de la création d'une pièce. »

SPÉCIFICITÉ ISLANDAISE

On imagine tant d'observateurs s'enquérir de sa spécificité islandaise. Björk, Sugarcubes, Jónsi, Sigur Rós, Jóhann Jóhannsson, Valgeir Sigurðsson, bref une foule d'artistes singuliers et reconnus internationalement ont émergé de cette petite société de quelques centaines de milliers d'humains. Y a-t-il donc un lien esthétique entre ces artistes, malgré la diversité de leurs propositions ? Y a-t-il un particularisme à ces Island Songs, pour reprendre le titre d'un album lancé par Ólafur Arnalds en 2016 ?

« Bien sûr, je viens d'Islande, mais je ne vois pas de liens évidents entre les artistes qui en sont issus. Seuls les journalistes pensent ainsi ! [rires] Je crois plutôt en une ambiance et en un esprit de liberté là où je vis. Pour le reste, je ne sais pas et je n'essaie pas de savoir. Je m'assois, je compose, je ne cherche pas les grands accomplissements. Tout ce qui m'intéresse est de continuer, me développer, m'améliorer, construire sur mes expériences passées. »

La scène est aussi un territoire de liberté pour Ólafur Arnalds, l'occasion de varier les instrumentations et l'exécution.

« Tout dépend de la musique que j'écris, ce que j'essaie de représenter sur scène. Pour la dernière tournée, c'était en trio - piano, violoncelle, violon. La précédente comportait un orchestre beaucoup plus considérable. Actuellement, je tourne avec un quatuor à cordes et un percussionniste qui joue aussi des synthétiseurs. Je suis moi-même au piano et je suis accompagné par d'autres claviers dont les compléments musicaux sont exécutés mécaniquement après avoir été générés par un logiciel que j'ai conçu avec un ami informaticien. Il faut voir pour comprendre ! »

Le nouvel album d'Ólafur Arnalds, Re : member, sortira le 24 août, et environ la moitié du concert lui sera consacrée. Dans ce contexte, il suggère une « expérience immersive ».

« Ce sera très différent de l'album précédent. Cette fois, je ne voulais pas tant d'un concert acoustique que d'un mariage de sons et de technologies, sorte de terrain de jeu avec instruments, jouets sonores et éclairages. Certaines pièces sont propices à l'improvisation alors que d'autres restent fidèles à leur conception originelle, de manière à présenter un concert unique chaque soir. C'est important de conserver l'élément créatif lorsque tu donnes plus de 150 concerts, il faut changer la proposition et ainsi éviter de se lasser. »

Plus et moins... moins et plus...

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Ólafur Arnalds partage le même programme que Jean-Michel Blais, vendredi soir, 19 h, à la Maison symphonique.