Le Festival international de jazz de Montréal (FIJM) a dévoilé hier une grille de plus de 150 concerts constituée d'une grande diversité stylistique.

Hormis le jazz des vétérans et le jazz nouveau, le FIJM présente une vaste sélection de pop adulte, blues, soul/R&B/hip-hop, indie pop, world et autres variantes sonores auxquelles l'événement nous a habitués.«Cette année, on atteint un super équilibre entre l'ancien jazz et le nouveau - d'ailleurs, nos programmes présentent souvent la rencontre de l'ancien et du nouveau», estime Maurin Auxemery, l'un des principaux programmateurs.

«En outre, nous avons mis un accent particulier sur les musiques black, avec les Kamasi Washington, Daniel Caesar, Moses Sumney, Cory Henry, José James, Archie Shepp, Thundercat, Herbie Hancock, Sons of Kemet, Mélissa Laveaux, etc. Nous sommes aussi fiers d'avoir sélectionné de nouvelles musiques instrumentales ou électroniques de grande qualité, comme celles de Ludovico Einaudi, Ólafur Arnalds ou Jean-Michel Blais.»

Voyons de plus près ce que contient cette programmation toujours attendue des mélomanes québécois ou étrangers.

Jazz vétéran

Encore curieux et perspicace à l'âge de 78 ans, le claviériste Herbie Hancock revient à Montréal entouré de jeunes artistes s'appliquant à relancer le jazz à travers les musiques urbaines (funk, R&B, hip-hop) et à relire entre autres les grands classiques de la mythique formation Headhunters qu'il pilotait dans les années 70. Le contrebassiste Dave Holland fait équipe avec le grand tablaïste Zakir Hussain et le saxophoniste supravirtuose Chris Potter. Les pianistes Steve Kuhn et Monty Alexander nous reviennent également pour nous y faire vivre l'expérience de la suavité.

Qu'en est-il du saxophoniste Archie Shepp, associé jadis à la «new thing»? Compositrice, arrangeuse et claviériste, la mythique Carla Bley dirige l'Orchestre national de jazz de Montréal; son bassiste de mari Steve Swallow est aussi de la partie. Bobby McFerrin reprend du service après s'être habitué à vivre avec la maladie de Lyme. La chanteuse américaine Dee Dee Bridgewater refait escale à Montréal, tout comme la Franco-Américano-Haïtienne Cécile McLorin Salvant, qui se trouve actuellement au faîte du chant jazz au féminin.

Les pianistes Chano Dominguez (Espagne) et Laurent de Wilde (France) représentent l'Europe, Kelly Lee Evans (Canada), le nord de l'Amérique. Le guitariste vedette Mike Stern s'amène avec un bataillon d'artilleurs (Randy Brecker, trompette, Dennis Chambers, batterie, Tom Kennedy, basse). Le guitariste Al DiMeola vient décharger son habituelle cargaison de gammes. Le bon Dr. Lonnie Smith passe trois soirs consécutifs à nous prodiguer les meilleurs soins avec des formations à géométrie variable. Le Preservation Hall Jazz Band préserve (évidemment) le jazz primitif... À l'origine du jazz fusion, la formation anglaise Soft Machine se réincarne dans le présent. L'Emmet Cohen Trio accueille les légendes Benny Golson et Houston Person.

Jazz actuel, jazz hybride

Désormais considéré parmi les chefs de file du jazz nouveau, le batteur et compositeur Mark Guiliana se produit deux soirs dans la série Invitation, soit avec son ensemble Beat Music et en quartette avec sa femme, la très douée Gretchen Parlato. Dans cette même série, le claviériste John Medeski présente une paire de concerts, soit avec l'ensemble Mad Skillet et au sein d'un trio incluant le guitariste Marc Ribot ; ce dernier nous a aussi concocté un récital constitué de chants de la résistance.

Au-delà de ses accointances avec Kendrick Lamar et Terrace Martin, le saxophoniste Kamasi Washington présente-t-il aujourd'hui une proposition pérenne? Très ouvert, le trompettiste et compositeur Terence Blanchard s'amène avec l'excellent E-Collective, d'approche jazzy groove. Superbassiste de l'heure, Thundercat et sa formation partagent le programme de Herbie Hancock.

Ex-Snarky Puppy, l'organiste Cory Henry revient avec The Funk Apostles. José James rend hommage à Bill Withers, Leslie Odom Jr. est là pour être découvert. Transplantée à New York après avoir démarré sa carrière à Montréal, la chanteuse Emma Frank offre la matière de son superbe opus Ocean Av. Idem pour le saxophoniste Chet Doxas, aussi ex-Montréalais et nouveau New-Yorkais, qui propose d'exécuter les oeuvres de son très solide album Rich in Symbols. Toujours parmi les leaders esthétiques du jazz, le saxophoniste David Binney présente son Alhambra Trio - Nate Wood, batterie, Logan Kane, basse.

Le supergroupe néo-fusion Snarky Puppy se propose de combler ses très nombreux fans. Le jazz pop se nomme Chris Botti, le jazz indie ambient se nomme Melanie De Blasio, le jazz d'inspiration électro se nomme GoGo Penguin, le jazz électro-tribal se décline chez Moon Hooch et Sons of Kemet, sans compter les ensembles des trompettistes Theo Crocker et Keyon Harrold, des saxophoniste Marius Neset et Guillaume Perret, du guitariste Gilad Hekselman, du claviériste Jamie Saft, des pianistes Shai Maestro et Cameron Graves, de la chanteuse Molly Johnson ou du banjoïste Bela Fleck.

De Montréal, on a droit aux projets menés par le contrebassiste Rémi-Jean LeBlanc, la chanteuse Anne Bisson, la chanteuse Ranee Lee, les guitaristes René Lussier et Jordan Officer, les claviéristes Vincent Rehel et Simon Denizart, François Bourassa, Guillaume Martineau, Emie R Roussel et Felix Stüssi.

«Non-jazz»

Comme c'est le cas depuis tant d'années, une part congrue de musiques de qualité et n'ayant rien (ou peu) à voir avec le jazz est présentée au FIJM. On mise ici sur le compositeur italien Ludovico Einaudi, dont le néoclassicisme et le post-minimalisme séduisent un auditoire de masse. Côté électro ambient instrumental, Ólafur Arnalds et Jean-Michel Blais ne donnent pas leur place.

Autre priorité du festival, SLĀV est une performance mise en scène par Robert Lepage et ayant pour interprète centrale la chanteuse Betty Bonifassi; présenté du 26 juin au 14 juillet, ce spectacle aborde l'épineuse et vaste question des esclavagismes.

On présente deux concerts de Daniel Caesar, dont l'étoile R&B brille de plus en plus fort. Pour la première fois au FIJM se produit le superbe artiste californien Moses Sumney, d'allégeance soul et plus encore. On suggère aussi une paire de concerts de l'actrice et (parfois) chanteuse française Charlotte Gainsbourg, très aimée en Amérique pour des raisons évidentes.

Au chapitre de la pop destinée aux mélomanes d'âge mur, le FIJM suggère les concerts de Ry Cooder, Seal, Jethro Tull, Boz Scaggs, Jann Arden, George Thorogood, Ben Harper, sans compter les recréations de l'opus Dark Side of the Moon (Pink Floyd), le sans-titre des Beatles, dit «l'album blanc», les classiques du guitar hero Stevie Ray Vaughan ou encore les extraits de bandes originales des studios DreamWorks exécutés en mode orchestral.

Pour compléter le tout, on prévoit l'électro de Bonobo, St Germain, Mome ou Clément Bazin, l'électro-pop de Geoffroy, le hip-hop de CMDWN, Nate Husser, Zach Hoya ou Naya Ali, l'indie pop de Dominique Fils-Aimé, Beyries, Frankin Electric, Jain, Kimbra, My Brightest Diamond, Trevor Hall, Wilsen, Julie Doiron.

Les Premières Nations sont représentées par William Prince et Jeremy Dutcher. La world 2.0 d'Espagne s'incarne chez Marinah (Ojos de Brujos), Vinicius Cantuaria, Bombino, Lido Pimienta, Finley Quaye, Mélissa Laveaux, The Jerry Cans.

Le 39e Festival international de jazz de Montréal se tiendra du 28 juin au 7 juillet prochains.

http://www.montrealjazzfest.com/