Guitariste sur l'ultime album de Bowie, Blackstar, le New-Yorkais Ben Monder est aussi un jazzman majeur de notre époque, de surcroît une pointure qui fréquente Montréal depuis les débuts de sa carrière internationale. On l'y voit régulièrement mener ses propres projets, et cela remonte à ses premières apparitions à l'Upstairs à la fin des années 90.

Les années passent, Ben Monder nous revient encore malgré l'ampleur de sa carrière. On l'a vu au Lion d'or l'automne dernier dans le cadre de l'Off Jazz, le revoilà au FIJM dans le contexte d'une oeuvre de la très prolifique saxophoniste et compositrice Christine Jensen (prix Oscar-Peterson 2017) et mettant en relief la haute virtuosité d'Ingrid, frangine trompettiste qui brille à New York comme on le sait. La matière au programme sera celle d'Infinitude, superbe album de Christine Jensen, lancé fin 2016 sous étiquette Whirlwind.

À titre de leader et compositeur principal, Ben Monder enregistre depuis 1991, il compte une dizaine d'albums à son actif, dont l'évanescent et non moins substantiel Amorphae, paru chez ECM il y a deux ans.

« Jusqu'à la création de cet album, raconte notre interviewé, je cherchais un son et un concept de composition. Je crois avoir vraiment cherché à circonscrire ce concept pendant plusieurs années et... »

Aujourd'hui, il aurait changé de cap.

« Il est temps pour moi d'explorer autre chose. Ainsi, la musique que je pratique actuellement comporte plus d'improvisation libre, ou encore me permet plus de latitude à travers différentes reprises pop. L'automne prochain, je vais d'ailleurs enregistrer ces reprises avec le batteur Ted Poor et le contrebassiste Matt Brewer. Je suis aussi très impliqué dans un duo avec le chanteur Theo Bleckmann. De plus, je participe régulièrement à un trio d'improvisation libre avec le saxophoniste Tony Malaby et le batteur Tom Rainey. »

L'an dernier au Lion d'or, alors qu'il se produisait en tandem avec le trompettiste et multi-instrumentiste Aaron Shragge, Ben Monder nous a dévoilé une autre facette de son art : l'approche texturale.

« Je n'explore pas tant cette facette du jeu, mais j'ai fini par construire quelque chose en m'amusant seul avec mes pédales d'effets. Je ne prétends pas pour autant avoir une connaissance profonde de ces effets, mais c'est un défi pour moi de faire évoluer mon langage avec d'autres paramètres que l'articulation mélodique et les concepts harmoniques. Si tu peux explorer une diversité d'expressions avec ton instrument, pourquoi pas ? »

Encore faut-il que cette expression demeure guitaristique, s'empresse-t-il de souligner.

« Je ne cherche pas à le faire autrement. Je modifie rarement mon assortiment de pédales, j'ai le sentiment de pouvoir évoluer avec l'équipement dont je dispose. Mais je suis toujours ouvert à l'expérimentation. »

QUANT À BLACKSTAR...

Ben Monder ne fait pas partie de l'ensemble de Donny McCaslin, il est néanmoins le guitariste du fameux album de feu Bowie. Réticent à en parler au départ puisque les médias ne lui causent que de cela et qu'il a le sentiment de redire les mêmes banalités depuis un an et demi, il finit par accepter. On l'assure de ne pas vouloir faire un gros show avec ça, il accepte de bon gré de nous en glisser quelques mots.

« J'étais le seul musicien de ces sessions à ne pas savoir que David était très malade. Je ne m'en étais pas rendu compte. Il avait l'air heureux et enthousiaste de faire cet album, il aimait ce que nous faisions, son énergie était contagieuse. »

Comme pour ses collègues regroupés autour de Donny McCaslin, l'univers de son illustre employeur était familier au guitariste.

« J'écoute Bowie depuis tout jeune, je connaissais bien sa discographie. Et je pense que ce dernier album est aussi bon que ses très bons. La substance et la force des chansons au programme le démontrent éloquemment. Ces chansons sont à la fois typiques de son art et distinctes par la nature de ce projet. Vous savez, nous n'avons pas eu à faire d'importantes modifications harmoniques, ce matériel était déjà très riche au départ, ce qui permettait beaucoup de latitude dans l'exécution. »

Et pourquoi n'avait-il jamais participé à un tel projet ?

« Parce qu'on ne me l'a jamais proposé ! (rires) Cela dit, j'estime avoir des racines rock malgré tout, je connais bien ce langage et je peux utiliser une Stratocaster à bon escient. »

Tiens, tiens... Ben Monder rock !

À L'Astral ce vendredi, 18 h, dans le cadre du projet Infinitude de Christine Jensen avec Ingrid Jensen