Dès les années 90, la jazzosphère avait identifié le très jeune pianiste Aaron Parks parmi les recrues à suivre de près. Mais c'est l'album Invisible Cinema, lancé en 2008 sous étiquette Blue Note, qui l'avait vraiment positionné à l'avant-plan. Une nouvelle génération de jazzmen commençait alors à intégrer les courants indie ; il en était l'un des protagonistes.

Par la suite, on a entendu Aaron Parks dans les ensembles de Joshua Redman, Gretchen Parlato, Kurt Rosenwinkel, en duo avec le pianiste Joey Calderazzo, au sein du groupe collaboratif James Farm, pour ne citer que ceux-là.

En 2013, Aaron Parks a lancé chez ECM un album pour piano seul, Arborescence. Au début de l'année prochaine, un deuxième opus (déjà enregistré) créé de concert avec le contrebassiste Ben Street et le batteur Billy Hart sera rendu public sous le même label. Et c'est ce dont il sera question au Gesù, pour clore la série Jazz dans la nuit du 37e FIJM.

GROUPE MULTIGÉNÉRATIONNEL

La formation travaille sporadiquement à cet album depuis quelques années déjà, dans la région de New York ; des tournées asiatique et européenne ont permis à Aaron Parks et à ses collègues d'élever leur proposition avant de passer au studio d'enregistrement. Il s'agit d'un groupe « très spécial » pour notre interviewé, notamment par son caractère multigénérationnel.

« Plus j'avance dans le jazz, plus j'ai envie de me mettre en situation d'apprentissage avec des musiciens meilleurs et plus expérimentés que moi. Ben Street a 50 ans, Billy Hart en a 76 et moi, 32. Très souvent, j'ai le sentiment d'être celui qui absorbe le plus », dit Aaron Parks.

Après avoir été surtout associé à des musiciens de sa génération ou légèrement plus âgés que lui, Aaron Parks a dû s'adapter à ce nouveau contexte de jeu quasi intemporel.

« C'était un peu terrorisant au départ, car ce trio implique un plus grand espace pour l'exécution individuelle que ce à quoi j'ai été habitué. Certaines pièces sont très structurées, certaines le sont peu, d'autres se situent entre les deux. Elles se transforment toutes au fil des interprétations ; on peut se retrouver complètement libre dans certains passages. »

Pour le leader de ce trio de fortes personnalités, une relation très solide doit déteindre sur la musique pour en assurer la qualité.

« Il faut une confiance mutuelle afin d'exclure tout cliché de nos conversations musicales. Chacun doit s'y exprimer sans filet, sans compromis, et dialoguer librement avec ses interlocuteurs », dit Aaron Parks.

L'occasion de composer, d'improviser et de jouer dans un tel contexte acoustique a d'ailleurs mené Aaron Parks à étoffer sa culture pianistique : 

« Paul Bley est une de mes principales influences en ce sens. Tout en haut vient également Shirley Horn, dont j'adore le jeu. Aussi, je peux passer plusieurs semaines à n'écouter qu'un seul pianiste ; j'ai eu mes périodes Bud Powell, Herbie Nichols, Bill Evans ou McCoy Tyner qui fut ma toute première influence. »

Cela étant dit, Aaron Parks se défend bien de se « classiciser » côté jazz.

« Comme c'était le cas à l'époque de l'album Invisible Cinema, je suis sans cesse marqué par plusieurs musiques d'hier ou d'aujourd'hui qui n'ont pas grand-chose à voir avec le jazz, et j'ai tendance à créer des projets distincts selon les styles impliqués dans le processus de création. Or, le trio qui vient à Montréal s'inscrit dans le sillon acoustique du jazz contemporain. Et puisque ces maîtres avec qui je joue font exactement ce qui leur vient en tête... »

Au Gesù samedi soir, 22 h 30.