Comme chaque année, des jazzmen de légende rendent visite aux Montréalais à l'occasion du Festival de jazz. Aujourd'hui, La Presse dresse le portrait du pianiste cubain Gonzalo Rubalcaba, qui se produit au Théâtre Maisonneuve ce soir à 20h.

Profil

Dans les années 80, la recrue du jazz cubain se nommait Gonzalo Rubalcaba. Formé à la soviétique dans les meilleures écoles de La Havane, issu d'une lignée de pianistes visionnaires ayant intégré le jazz à leur expression (Frank Emilio, Peruchin, Chucho Valdés, Emiliano Salvador), il s'imposait avec une technique nettement supérieure: articulation parfaite, sens percussif, précision, vélocité, patrimoines croisés. Au début de la vingtaine, ce supravirtuose avait tout intégré et proposait une fusion explosive de musiques acoustiques et électriques. Trente ans plus tard, Rubalcaba demeure parmi les meilleurs pianistes de jazz. La palette de son expression est vaste: moins latine, plus jazz, plus classique, plus contemporaine, plus sage.

Les grandes collaborations

On l'a d'abord vu à l'oeuvre au sein de l'Orquesta Aragon, puis avec son propre Grupo Proyecto, tornade de jazz fusion latin. Au milieu des années 80, il devenait mondialement connu ; le contrebassiste Charlie Haden en avait vanté le talent à Bruce Lundvall, grand patron de l'étiquette Blue Note, pour qui il a enregistré de nombreux albums par la suite. Il a mené ses aventures avec ses propres ensembles, collaboré avec tant de légendes du jazz - Dizzy Gillespie, Paul Motian, Richard Galliano, Dave Holland, Pat Martino, Al DiMeola, Chris Potter... Qui plus est, il a diversifié ses propositions, passant du jazz moderne au jazz contemporain et au jazz latin. Parmi ses meilleures associations récentes, on retient le saxophoniste cubain Yosvany Terry.

Un grand album

The Blessing, Blue Note, 1991

Admis illico dans les grandes ligues du jazz vu ses dons d'extraterrestre, Gonzalo Rubalcaba s'est installé aux Estados Unidos afin de s'y produire avec les plus grands dont le batteur Jack DeJohnette et feu le contrebassiste Charlie Haden dans un de ses plus beaux enregistrements: The Blessing. On y contemple sa supravirtuosité, sa latinité, ses références classiques, son patrimoine afro-cubain et cette sensibilité jazzistique acquise en côtoyant les plus grands. Voilà un album qui frise la perfection, qui ne peut mieux confirmer ce que représente Rubalcaba dans l'histoire du jazz moderne ou contemporain.

Un grand concert

La Havane, hiver 1986

Voilà une occasion de me péter les bretelles! À l'hiver 1986, je couvrais le Festival de jazz de La Havane. Je m'étais informé auprès de connaisseurs locaux afin de découvrir LA nouvelle affaire du jazz cubain. On m'avait alors dit de me rendre à une répétition en cours dans le centre culturel de la capitale. Une fois sur place, j'entre dans une cour intérieure et... wow. Alors âgé de 22 ans, Gonzalo Rubalcaba et son Grupo Proyecto m'avaient mis sur le cul. J'avais alors trouvé une cabine téléphonique pour contacter André Ménard (qui était du voyage) et lui faire part de ma découverte. Nous avions finalement pu assister au concert subséquent du Grupo Proyecto et... l'été suivant, Gonzalo Rubalcaba devenait une star à Montréal.