Après la reconnaissance nationale acquise par la pianiste, improvisatrice et compositrice qu'elle est devenue, après le respect que voue la gent estudiantine à la pédagogue qu'elle est, après le prix Oscar-Peterson (2002) obtenu pour sa contribution de taille au jazz d'ici, après tant d'années de musique, qu'est-ce qui motive la pianiste Lorraine Desmarais ?

L'écriture pour big band, inspirée du mouvement des corps : Danses, Danzas, Dances, un album lancé ce printemps sous étiquette Scherzo (Sélect) et dont la matière prend vie sur scène vendredi même.

« J'ai dansé le tango pendant quatre années, raconte la musicienne, je m'y suis donnée intensément. Et je me suis arrêtée vers 2012 pour diverses raisons ; la passion était un peu moins grande, j'avais moins de temps à y consacrer et... j'ai vu des amis proches traverser de tristes épreuves sur le plan relationnel. Mais je ne regrette rien, j'ai adoré danser le tango... que j'ai ensuite sublimé dans la musique. »

Les années suivantes, le projet créatif de Lorraine Desmarais devint l'écriture pour big band, d'abord inspirée par la pratique de la danse.

« J'ai d'abord écrit une milonga, un style un peu rustique à l'origine du tango. Puis le projet a pris de l'ampleur ; j'ai écrit une habanera cubaine, j'ai ensuite composé un reel québécois à saveur irlandaise, un reggae jamaïcain, un swing classique, etc. »

Ainsi, différents rythmes de danse constituent la charpente de cette nouvelle écriture orchestrale. À ce titre, la compositrice fait observer que le big band ne fait plus danser de manière générale, il n'occupe plus sa fonction originelle dans les salles de bal avant que l'amplification ne fût vraiment au point, après quoi s'imposaient le rhythm'n'blues et le rock'n'roll.

« Maintenant, le big band est le véhicule de musiques orchestrales plus cérébrales. Je m'inscris aussi dans cette tendance, mais je reste dans le groove. Et je reste proche du jazz en en maintenant l'instrumentation typique. »

- Lorraine Desmarais

Voilà donc la suite d'une démarche amorcée en 2009. Lorraine Desmarais avait lancé un premier album pour grand orchestre de jazz. On avait alors conclu à un certain académisme, une facture quelque peu scolaire malgré la rigueur de l'écriture et la qualité de l'exécution.

« Ce premier projet, admet-elle, était quand même plus conventionnel. C'était un exercice de style où j'apprenais le langage. J'avais alors aiguisé le crayon en arrangeant des pièces préalablement composées. Cette fois, j'ai essentiellement conçu les pièces pour big band, même si certaines pourraient être jouées en plus petite formation. »

Notre interviewée estime en ce sens que son écriture orchestrale s'est précisée, et que le choix d'y conférer des couleurs argentines, antillaises ou folkloriques québécoises s'avère plus artistique. Au-delà des couleurs stylistiques, elle croit aussi sa musique plus avancée dans sa dimension compositionnelle.

« On peut l'observer dans ses enchaînements harmoniques, dans le découpage orchestral entre les sections, dans ses éléments contrapuntiques. Pour parvenir à mes fins, j'ai pigé dans toutes mes ressources musicales. De plus, j'ai écouté la très belle musique du Maria Schneider Orchestra et d'autres big bands de ce type, j'ai également renoué avec la musique classique pour orchestres de chambre ou symphoniques. Et ça continue ! »

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À L'Astral vendredi soir, 18 h