Au terme de cette paire de concerts donnés mercredi soir, il était de bon ton de sortir le proverbe des boules à mites : deux têtes valent mieux qu'une. Tant qu'à y être, quatre mains valent mieux que deux.

D'abord au Gesù, Brad Mehldau a trouvé son homme. Au programme de cette heure et demie, il y avait assez de matière pour conclure à une rencontre nourrissante, musique de tandem où la personnalité de Tigran Hamasyan s'est démarquée davantage.

Airs rassurants, inspirés du patrimoine arménien, du Great American Songbook ou des deux caboches sur scène. Thèmes originaux, patrons harmoniques imaginés par Tigran et Brad. Inclusion en temps réel de musiques et sons préenregistrés. Chant de tête, chant de corps du musicien arménien. Tension entre phrase incisives et compléments harmoniques très délicats. Échange probant sur une mélodie de Tigran jouée en solo, que reprend Brad à son tour, au plus grand plaisir des fans. Rappel jazzo-folklorique pour Hamasyan comme un seul homme, car son collègue Mehldau avait déjà quitté pour des test de son en prévision de son concert donné avec le batteur Mark Guiliana. À la fin du concert, au fait, avait-il la tête dans le programme suivant? Peut-être un peu, vu sa relative discrétion.

Allons vers Mehliana, donc. L'Astral est rempli à craquer pour accueillir le pianiste vedette et le batteur  visionnaire, grâce à qui Brad fait dans l'élecro-jazz, et dont l'album Taming The Dragon est le premier enregistrement sérieux. En studio comme sur scène, ce qui ressort de cette collaboration est parfois réussi, parfois moins. Des hauts et des bas, plus de hauts que de bas.

Encore faut-il une culture électronique étoffée pour se lancer dans une telle aventure. Clairement, on sent Guiliana avoir mieux saisi ce concept où l'électro se jazzifie. Ses actions à la batterie (et cossins électroniques connexes) en sont souvent l'évocation - on pense aux avancées rythmiques d'abord créées au moyen de logiciels et outils numériques dans les univers technoïdes ou hip hop.

Brad, lui, est encore en train d'apprivoiser ses nouveaux amis, c'est-a-dire ses claviers surtout analogiques. Trop souvent, il reprend des idées des années 70 ou 80, mises de l'avant dans les sphères jazz rock ou rock progressif, plutôt que de proposer une extrapolation jazzistique de l'électro. Il arrive parfois à y intégrer sa propre musique de trio en usant du piano, et à ainsi faire le pont avec cette esthétique électro-jazz. Il lui arrive même de générer quelques grooves captivants, présage d'un prochain chapitre beaucoup plus solide que cette entrée en matière.