Au festival Coachella l'an dernier, le soleil se couchait quand Violent Femmes a lancé les premiers accords de Blister In the Sun. Une scène purement jubilatoire. Gordon Gano chantait ses fantasmes d'adolescent avec son look de vieux hippie alors que son collègue Brian Ritchie se défonçait à la basse acoustique avec ses cheveux longs.

Bonne nouvelle: Violent Femmes a mis ses disputes de côté et son retour sur scène se poursuit à Montréal. Le groupe folk-punk - Brian Viglione remplace aujourd'hui Victor DeLorenzo à la batterie - se produit ce soir au Métropolis. Comme à Coachella, il interprétera l'intégralité de son premier album homonyme, sorti en 1983, et des titres marquants, dont Hallowed Ground et American Music. «Nous n'avions pas joué depuis sept ans avant Coachella. Nous avons commencé avec Blister In the Sun et, soudainement, des dizaines de milliers de personnes de tous les âges ont accouru vers notre scène», raconte Brian Ritchie.

«Coachella devait être notre seule sortie, mais nous avons aimé le show. Nous en avons ajouté un autre, puis le mot s'est passé entre les promoteurs», a-t-il ajouté.

Unique, le folk-punk alterno du premier album homonyme de Violent Femmes a révolutionné la musique à sa sortie. Se succédaient des hymnes juvéniles incitant à la délinquance et aux vices: Blister In The Sun, Gone Daddy Gone et Add It Up, pour ne nommer que ces tubes.

Les textes de Violent Femmes font l'apologie du désir charnel adolescent. La chanson Gimme The Car en est le parfait exemple.

«Allez, papa, prête-moi ta voiture ce soir/Je te dis ce que je ferai/Je vais passer la prendre/Je vais la soûler/Je vais la faire pleurer/Je vais la droguer/Je vais la faire rire/Je vais la faire crier.» (Notre traduction.)

Autant le fait de voir Gordon Gano balancer ces paroles avec sa voix de mauvais garçon unique représente un anachronisme en 2014, autant son interprétation demeure d'une redoutable efficacité.

«C'est ridicule quand tu y penses, comme ce l'est de voir The Who chanter My Generation et les Rolling Stones chanter Satisfaction», dit Ritchie en riant.

La basse acoustique

Avec ses propos salaces, Gimme The Car est la toute première chanson que Violent Femmes a interprétée en spectacle. «Dans une école, raconte Brian Ritchie. Affolés, les professeurs ont tenté de débrancher nos instruments, puis il y a eu une sorte d'émeute.»

Les sources du rock générationnel de Violent Femmes rappellent celles de la musique grunge: le besoin d'échapper à l'ennui. Nous avons grandi dans le Midwest dans les années 70, et il ne s'y passait pas grand-chose. Je crois qu'une génération de jeunes a fait de la musique punk parce que leur vie plate les frustrait. Il n'y avait pas d'ordinateurs à l'époque», croit Brian Ritchie.

L'un des ingrédients essentiels de la recette musicale de Violent Femmes: la basse acoustique de Ritchie. «C'est plus difficile que la basse électrique», souligne-t-il.

Jeune, Brian Ritchie s'est initié à la basse avec des cordes de nylon en jouant de la musique dans les rues de Milwaukee, au Wisconsin. Ensuite, il a fondé Violent Femmes avec le chanteur-guitariste Gordon Gano et le batteur Victor DeLorenzo.

Le trio se sentait négligé par les promoteurs de sa ville natale quand James Honeyman-Scott des Pretenders l'a vu jouer en pleine rue. «Son groupe nous a invités à faire sa première partie. Leur intérêt nous a donné confiance.»

Le reste appartient à la grande histoire du rock. Brian Ritchie avait 22 ans à la sortie du premier des huit albums de Violent Femmes, qui demeure le plus marquant dans le catalogue du groupe. «Un classique», dit-il avec raison.

Le bassiste préfère néanmoins les chansons spirituelles - et incomprises à l'époque - d'Hallowed Ground, sorti en 1984. «Je crois que les gens en sous-estiment l'influence.»

Éloge de la créativité

Généreux et sympathique, Brian Ritchie converse avec nous en direct de sa maison de l'État de Tasmanie, en Australie, où il vit avec sa femme. «Un coin qui ressemble à la Nouvelle-Écosse, avec un décor maritime», dit-il.

Le travail de Gordon Gano avec Louise Attaque est bien connu. Plus que celui de Brian Ritchie en tant que conversateur du festival australien Mona Foma (MoFo), auquel a participé le Montréalais Colin Stetson. La programmation ratisse large, de la musique classique au hip-hop en passant par le rock.

Outre la basse, Brian Ritchie joue aussi du shakuhachi (flûte en bambou japonaise). «C'est un instrument de méditation pour les bouddhistes», indique-t-il.

Patti Smith, Lou Reed et les Beastie Boys chérissaient aussi les vertus du bouddhisme. «Il faut trouver un équilibre avec la vie folle rock'n'roll», souligne Ritchie.

Qu'il soit plongé dans le rock ou la musique d'avant-garde (Ritchie accompagne souvent l'Australian Chamber Orchestra) le bassiste de Violent Femmes évolue dans le domaine «de la créativité». «C'est un mode de vie, dit-il. La musique ne me tanne jamais.»

Brian Ritchie respire la zénitude. Pas étonnant qu'il ait pardonné à Gordon Gano d'avoir cédé les droits de Blister In The Sun pour une publicité de la chaîne Wendy's, un grand désaccord à l'origine de l'inactivité du groupe pendant sept ans.

Sa relation avec Gano? «C'est comme un frère pour moi, avec ses bons et ses mauvais côtés.»

________________________________________________

Au Métropolis ce soir, 20h30. Première partie: Foreign Diplomats.