Le prochain album de Ben Sidran, intitulé Blue Camus, comprendra des chansons inspirées de L'étranger d'Albert Camus, de La ferme des animaux de George Orwell et de Poète à New York, le recueil posthume de Federico García Lorca. Ceux qui connaissent ce pianiste et chanteur américain ne s'en étonneront pas pour l'avoir vu relire Dylan sur son album Dylan Different et enregistrer un disque en concert inspiré de l'oeuvre de Lorca.

Ce musicologue et philosophe bardé de diplômes, auteur d'un essai récent sur l'influence de la culture juive, est le même homme qui a écrit Space Cowboy avec son bon ami Steve Miller dans les années 60.

«J'ai toujours deux ou trois projets très différents auxquels je me consacre simultanément, dit-il au téléphone. Récemment, j'ai eu l'idée d'une histoire pour enfants.»

Si Sidran est plus jazz que rock ou pop, c'est, dit-il, parce qu'il aime la compagnie des musiciens de jazz, des cats comme son fils Leo avec qui il joue depuis des années et qui l'entoureront ce soir et demain sur la petite scène de l'Upstairs, rue Mackay. C'est aussi parce que cette musique lui va comme un gant.

«Pour moi, le jazz n'est pas un genre musical, c'est une manière d'aborder la vie, de trouver sa propre voix et d'improviser, dit-il. J'ai abordé Lorca comme j'aborderais [Thelonious] Monk: je sais que je ne serai jamais Monk, mais je peux m'inspirer de sa façon de faire.»

Parmi les artistes qui l'inspirent le plus, Sidran cite le chanteur et pianiste de blues et de jazz Mose Allison qu'il a côtoyé professionnellement et auquel on l'a souvent comparé.

«J'en suis très flatté, dit-il. Ma voix sonne un peu comme la sienne, mais ce n'est pas voulu. Quand j'ai fait la connaissance de Mose, je me suis rendu compte que nous étions très différents l'un de l'autre. Mais j'ai eu la chance de travailler avec lui et j'ai pu voir comment il aborde l'écriture. Ses chansons d'une simplicité trompeuse racontent des histoires intéressantes et ont toutes une touche d'humour. De tous les disques que j'ai faits, Don't Cry For No Hipster [son plus récent album] est celui qui ressemble le plus à Mose parce que j'ai écrit des chansons comme lui le fait: il trouve une phrase comme «your mind is on vacation and your mouth is working overtime» et il base toute sa chanson là-dessus. C'est un peu de cette façon que j'ai écrit ItDon't Get No Better ou Brand New Music.»

Le plaisir dans le blues

Ben Sidran est un être complexe qui recherche la simplicité en tout. «Je raconte des histoires sur de la musique qui groove, dit-il succinctement. On est censé s'amuser quand on joue cette musique. Le jazz est peut-être devenu un peu trop intellectuel. Même les grands be-boppers ou Coltrane jouaient du blues. Il y a quelque chose de très le fun à jouer du blues.»

Il n'y a pas que la littérature qui l'inspire. Don't Cry For No Hipster compte une chanson très amusante sur le golf: Back Nine.

«Le golf est une très bonne métaphore de la vie et son vocabulaire est parfois très proche de celui du jazz, explique-t-il. C'est humoristique, mais c'est juste une autre façon de raconter une histoire.»

Des histoires, il en raconte tellement sur scène que c'est un peu devenu sa marque de commerce.

«Quand je parle, j'improvise comme quand je joue de la musique et j'y prends autant de plaisir que quand j'écoute un solo. Je dis des choses dont je ne savais même pas que j'allais parler, mais ça vient d'une réflexion que j'ai faite exactement comme un solo improvisé est basé sur la compréhension des accords. J'associe librement un peu d'histoire et des observations personnelles et je deviens une espèce de comique doublé d'un hipster et d'un musicien de jazz.»

Cette façon d'improviser avec les mots et les idées, mais aussi les grooves et les harmonies, avait d'abord pour objectif de faire rire ses musiciens, avoue-t-il: «Comme ils ont entendu mes chansons plusieurs fois, j'essaie chaque soir de faire les choses un peu différemment. Et ça devient quelque chose de nouveau.»

Ben Sidran, à l'Upstairs (1254, rue MacKay), ce soir et demain à 19h et 21h45.